lls vont marcher sur la Lune

Par flenglet@latribune.fr  |   |  409  mots
Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

Voilà tout juste quarante ans qu'une silhouette boudinée et malhabile a fait ce "petit pas pour l'homme et grand pas pour l'humanité", en marchant pour la première fois sur la Lune. La distance de la Terre à cette planète familière aux rêveurs, franchie en quelques jours par la mission Apollo 11, était alors la mesure de l'impossible. De l'impossible à tenter quand même, à cause de ce besoin du "toujours plus" qui aiguillonne les sociétés humaines depuis leurs origines. Toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus vite. Incessantes conquêtes qui sont le ferment de la croissance, de l'innovation et du progrès. Réussir cette prouesse rouvrait les immenses horizons de la découverte que les explorateurs traversant les océans, au XVe siècle, avaient connus.

Quarante ans plus tard, l'aventure lunaire semble n'avoir pas tenu ses promesses. Pas de week-ends sur la mer de la Tranquillité, pas davantage de prospères colonies, pas de laboratoires sous dôme de verre dans lesquels des savants audacieux élaboreraient les médications du futur. Nos sociétés vieillies, contemplant ce souvenir des Trente Glorieuses, pourraient être tentées de dire "tout ça pour ça !". Ce serait une erreur grave. La conquête spatiale, au-delà de sa dimension prométhéenne, a apporté de nombreuses innovations dans des secteurs inattendus, de l'alimentation jusqu'aux matériaux. C'est le processus de la connaissance qui marche ainsi, illuminé par de brutales fulgurances que l'on ne saurait prévoir. Comme le rappelle le physicien et philosophe Étienne Klein, ce n'est pas en améliorant la bougie qu'on a inventé l'électricité. Notre époque, tout aussi avare en rêves qu'en ressources budgétaires, voudrait assigner à la science un objectif et un calendrier, un business plan ? nous vivons dans le monde des technosciences, et c'est un monde où l'on ne demande pas la lune.

C'est maintenant de l'autre côté de la Terre que l'espace fait rêver. En Chine, au Brésil, en Inde, ces nations émergentes qui possèdent à la fois la croissance et l'ambition. Elles ont développé à leur tour des programmes pour s'arracher du plancher des vaches ? ou des tigres. Comme pour les voitures, ils commencent modestement, avec des fusées low-cost qui brinquebalent un peu. Mais comme pour les voitures, ils seront demain de sérieux concurrents ? faut-il dire conquérants ? De la Lune aussi, on voit très bien que le monde tourne.