Grande dépendance : il n'y a plus de temps à perdre

Le débat sur la grande dépendance va reprendre à la rentrée, comme le laisse entendre la création d'un ministère des Aînés. Une personne sur deux est concernée entre 85 et 90 ans. Faut-il rendre l'assurance dépendance obligatoire comme pour l'automobile ?

Pendant des années, négliger ses enfants, ses amis, pour s'occuper de ses parents très âgés ; ou bien voir le patrimoine d'une vie fondre pour faire face aux dépenses en personnel engendrées par la grande dépendance... Tous les ans, des centaines de milliers de familles françaises sont confrontées à ce dilemme. Entre l'âge de 85 et 90 ans, une personne sur deux est aujourd'hui dépendante, autrement dit, ne peut plus effectuer seule les gestes élémentaires de la vie quotidienne (se lever, s'habiller, se laver, se nourrir, marcher, etc.). Et ce n'est qu'un début. Le nombre de ces gens âgés va quadrupler d'ici à cinquante ans. En 2060, nous serons plus de 5.000.000 à réclamer une assistance.

Les familles resteront-elles alors aussi seules, désemparées ? Certainement, si l'on n'agit pas, dès aujourd'hui, pour organiser cette assistance de manière plus collective, en associant à l'effort de ces familles tristement concernées, une plus grande solidarité nationale et des mécanismes d'assurance. Le débat national que compte organiser le gouvernement à la rentrée prochaine sur le « cinquième risque » pourrait avoir cet objectif. Il s'agirait alors de socialiser le risque dépendance, comme on l'a fait, à la précédente génération, pour les risques maladie, retraite, maternité et chômage.

En France comme ailleurs, la famille joue aujourd'hui un rôle prépondérant dans l'assistance aux personnes dépendantes, pour de bonnes et mauvaises raisons. Bonnes raisons parce que dans de nombreux cas, c'est sans doute ce qui convient le mieux, du point de vue du bien-être de la personne dépendante, et sûrement ce qui est le plus économique. Même le personnel non déclaré est plus coûteux que la main-d'?uvre familiale non rémunérée ! Mauvaises raisons, parce que, très souvent, l'intervention familiale ne procède bien sûr pas d'un choix libre mais de l'absence d'autres solutions. Par ailleurs, avec l'augmentation de la mobilité géographique, l'éclatement des familles, ce soutien s'essouffle de plus en plus.

Il y a certes le recours au marché, à l'assurance dépendance privée. Assez peu développée aujourd'hui, elle concerne trois millions de Français, pour la plupart assurés de manière collective par leur entreprise. Pourquoi pas davantage ? Habitués à s'assurer contre l'incendie ou le vol, peu de gens réalisent que ce type d'assurance pourrait permettre que leurs frais soient pris en charge en cas de dépendance, facilitant la vie de leurs proches. L'offre de produits d'assurance spécifique est restreinte, et les clients potentiels, réticents. On ne s'imagine pas volontiers impotent... Le coût financier est également un frein pour les ménages les moins favorisés.

L'État est le seul acteur qui peut venir en aide aux plus pauvres et assurer la solidarité entre générations. Avec l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) versée à plus d'un million de personnes, la France est d'ailleurs l'un des rares pays avec l'Allemagne et la Belgique à posséder une assurance sociale dépendance digne de ce nom. Mais les sommes versées, qui ne dépassent pas 1.000 euros par mois, parviennent difficilement à couvrir les frais engendrés par la grande dépendance. Et on ne peut imaginer une augmentation significative des allocations. Même pour une cause aussi consensuelle, le niveau déjà élevé des prélèvements obligatoires est aujourd'hui un frein majeur à l'augmentation des dépenses.

Peut-être faudrait-il alors songer à un partenariat public-privé, dans lequel la collectivité confierait la gestion de ce cinquième risque à des compagnies d'assurances privées, qui disposent d'un réel savoir-faire sur ce type de sujet mais qui ne peuvent assurer que ceux qui en ont les moyens. L'État cotiserait alors pour les personnes aux revenus les plus modestes.

Dans ce contexte, peut-on envisager de rendre l'assurance dépendance obligatoire comme l'assurance automobile ? Certains militent en faveur de cette option, qui engendrerait des économies d'échelle : des cotisations de l'ordre de 200 euros par an, à partir de 50 ans, permettraient par exemple de recevoir 1.000 euros par mois en cas de dépendance.

Le débat sur ce sujet doit s'ouvrir rapidement, car le développement d'une offre accessible est aujourd'hui indispensable. Si nous ne commençons pas à cotiser rapidement, nos enfants devront payer pour nous. Mais qui nous aidera s'ils ne veulent ou ne peuvent pas s'occuper de nous ou s'ils ne sont plus là ?

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Commentaires 5
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Vous écrivez : "L'État est le seul acteur qui peut venir en aide aux plus pauvres et assurer la solidarité entre générations." Voila bien un exemple de l'égoïsme et de l'individualisme-roi dans la société moderne, où l'on ne sait plus s'occuper soi-m...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Remarque très pertinente de François, mais la mentalité est ainsi. On ne peut tellement la changer comme cela.

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Cet article est un peu hors sujet.Il suffit de regarder le patrimoine placé des français pour s'aperçevoir qu'en plus de leur retraite,un grand nombre serra elligible aux maisons de retraites médicalisées .Ils prendront là pour leurs vieux jours et t...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Articles et analyses intéressantes mais néanmoins très incomplètes puisque ne prenant en compte que la dépendance liée au grand âge. C'est priver la réflexion de l'axe "personnes handicapées dépendantes" (pas forcément âgées et relevant du dispositif...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Les projection pour 2060 me laissent dubitatif. Quand aux plans et discours s'appuyant sur ce type de projections c'est une perte de temps donc d'argent. Les contraintes environnementales aurront résolues le problème de vieillissement/croissance de l...

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