Auto : autosatisfaction malvenue

Par eizraelewicz@latribune.fr  |   |  413  mots
Par Eric Izraelewicz, directeur de la rédaction de La Tribune.

Séance d'autosatisfaction hier à Bercy. L'auto française va mieux, a-t-on cru comprendre. Le marché domestique résiste bien, mieux que la plupart des autres marchés européens - les ventes de juillet apporteront, dans quelques jours, une bonne surprise, laissait entendre le ministre de l'Industrie, Christian Estrosi.
Fortement aidés par l'État à travers le pacte conclu cet hiver, les constructeurs ont par ailleurs globalement tenu leurs engagements, s'est réjouie de son côté la ministre de l'Économie, Christine Lagarde. Bref, l'État est content de lui. Le plan de sauvetage de cette industrie produit ses effets. Bonus-malus, prime à la casse, prêts aux constructeurs, Fonds de modernisation pour les équipementiers, aide pour les sous-traitants?: l'action publique est peut-être coûteuse, elle paie - c'est du moins ce que l'on veut croire à Bercy.
Cette autosatisfaction est pourtant malvenue. La crise économique générale que nous vivons est en réalité en train d'accélérer la désindustrialisation de notre pays. Tous les secteurs sont touchés - on le voit ces jours-ci avec les menaces qui pèsent sur les équipementiers télécoms (Alcatel-Lucent) comme dans le luxe (Christian Lacroix).
L'automobile en est pourtant l'illustration la plus flagrante. La filière vit un véritable calvaire. Les chiffres que la profession devrait confirmer dans les jours à venir sont effrayants?: on devrait produire cette année en France moins de voitures... qu'en 1968, il y a 40 ans?! Sur l'ensemble des voitures qu'il vend dans le monde, Renault en fabrique désormais dans l'Hexagone à peine une sur quatre, Peugeot une sur deux?! Ce sont 20.000 à 30.000 emplois qui vont disparaître rien que cette année dans ces métiers - pour l'essentiel chez les équipementiers.
On pourrait se rassurer en invoquant la saine "destruction créatrice" qui caractérise le capitalisme depuis ses débuts. Ces emplois détruits, ils seront remplacés demain par de nouveaux jobs. Le problème, c'est qu'il ne suffit pas de promettre une suppression de la taxe professionnelle, de créer un presque vrai ministère de l'Industrie ou de convoquer régulièrement les dirigeants d'entreprise dans les ministères - toutes choses certainement utiles par ailleurs - pour favoriser la mutation d'une industrie. Il y faut aussi un environnement entrepreneurial favorable, un esprit collectif, des dirigeants visionnaires et une volonté d'innovation à tous les échelons. De tout cela, il n'est pas sûr que la France soit parfaitement dotée, pour l'instant.