L'illusion du court-termisme

Par Philippe Mabille, éditorialiste à La Tribune.

Chaque année à la même époque, c'est la même histoire. Le bal des résultats du deuxième trimestre, donc du premier semestre, fait battre le c?ur de la Bourse. Cette année, c'est un peu particulier, la crise "la-plus-grave-depuis-celle-de-1929" est passée par là.
La publication des informations financières (chiffre d'affaires et résultats) des entreprises cotées est donc la première occasion de tester leur capacité de résistance et d'essayer de lire leurs perspectives. Que nous enseigne le cru du premier semestre 2009?? À vrai dire pas grand-chose, sinon la confirmation que la crise est grave mais pas (pas encore) mortelle.
Les grands noms du CAC 40, l'indice vedette de la Bourse de Paris, rivalisent de propos rassurants et annoncent pour la plupart des résultats (ou des pertes) conformes aux attentes, voire un peu meilleurs. La Bourse apprécie et monte sans trop savoir pourquoi, girouette sans boussole. Preuve que nous vivons plus que jamais dans un monde relatif, où chacun se compare à son voisin. Peugeot hier, Renault aujourd'hui, ont la bonne idée de publier leurs comptes avec un jour d'écart. BNP Paribas et Société Générale feront de même, la semaine prochaine.
Pourtant, de plus en plus de voix se lèvent pour dire que ces comptes périodiques n'ont pas beaucoup de sens économique dans cette période de crise. Certes, ils apportent de la transparence aux marchés financiers, à la recherche de repères de nature à raccourcir l'horizon de l'incertitude. Mais au final, ils ne font souvent que renforcer la volatilité des cours de Bourse.
La polémique n'est pas nouvelle, elle date du début des années 2000, lorsque Frits Bolkestein, le commissaire européen au Marché intérieur, avait tenté sans succès d'imposer à l'Europe la mode américaine des comptes trimestriels obligatoires. Une tradition vieille de 60 ans, qui n'a empêché ni les affaires Enron ou Vivendi, ni l'explosion des bulles financières (Internet, subprime).
Face à la levée de boucliers des patrons français et allemands, inquiets de cette financiarisation sans limite, l'Europe n'a imposé qu'une simple information financière trimestrielle aux sociétés cotées, pour compléter leurs rapports semestriels et annuels. Très rares sont celles qui ont franchi le Rubicon des vrais comptes trimestriels (les banques et les sociétés cotées aux États-Unis, soit 15 % de l'échantillon du CAC 40).
Mais au final, l'illusion du court-termisme l'a emporté dans les esprits, là où il faudrait au contraire regarder loin devant soi. C'est le défi que doivent relever les dirigeants?: donner à la fois une image la plus fidèle possible de l'entreprise, pour entretenir la confiance, et faire partager aux marchés leur vision du long terme.

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Commentaires 4
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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On oublie trop souvent que beaucoup de grandes entreprises ont des fonds propres placés pour une bonne part en bourse, fonds stratégiques pour acquisition,coup dur ,ext... et surtout pour améliorer des résultats industriels faibles en comparatif avec...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Et bien oui. Une crise financière sans précédent depuis 1929, et déjà oubliée par ceux qui l'ont provoquée... Pauvres pauvres seigneurs de la finance (ou devrait-je dire: saigneurs?). Les dirigeants? Il leur faudra une bonne dose de courage, et surto...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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j'adore votre édito, vous etes comme les financiers , vous critiquez le courtermisme mais votre journal et ce site ne font que relayer heures par heures les communiqués de presse mensongés des financiers et industriels qui se frottent les mains. Vous...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Merci tout de même d'une certain doute apparent. Vous passez bien vite sur les résultats dus aux déstockages, variables de l'emploi, et investissement publics. Il semble que la fin de l'année verra également un rebond structurel. Reste que le ti...

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