UBS : quand le fisc prend l'avantage

Par flenglet@latribune.fr  |   |  465  mots
Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

C?est la plus vieille guerre du monde. Depuis que les hommes font société, le contribuable et le fisc se livrent un combat sans fin, chacun luttant au couteau pour obtenir son dû. Le premier veut préserver les fruits de son travail, de son talent, ou la rémunération du risque qu?il a pris. Le second cherche à prélever le plus d?argent possible pour abonder le budget de la collectivité.

Cette guerre a connu hier un rebondissement important, avec la capitulation de la banque UBS devant le fisc américain. La banque suisse a accepté de livrer à l?administration américaine plus de 4.000 noms de ses clients fortunés. Clients qu?elle avait aidés à échapper à la morsure de l?IRS, l?Internal Revenue Service, le fisc des Etats-Unis, grâce à de complexes montages juridiques dans les paradis fiscaux. Aux termes de l?accord rendu public hier, d?autres noms de contribuables délictueux devraient être fournis bientôt, et d?autres banques suisses pourraient être sollicitées pour ouvrir leurs registres, sinon leurs coffres?: c?est bel et bien la fin du secret bancaire suisse.

La disparition de ce particularisme helvètique ne serait pas si importante si elle ne témoignait d?un changement dans le rapport de force entre l?individu et la société. Voilà vingt ans que le contribuable, qu?il soit particulier ou entreprise, avait mis à profit la mondialisation et les nouvelles technologies de l?information pour payer le moins d?impôt possible, en profitant de la moindre faille dans les réglementations nationales. Et cela partout dans le monde.

L?âge d?or du marché et de l?individualisme a aussi été celui du contribuable face à des Etats impécunieux et complexés. Etats qui n?osaient guère faire respecter la loi commune par crainte de la "concurrence" fiscale, pris qu?ils étaient sous les hallebardes de doctes économistes expliquant que l?impôt nuit à la croissance.

Tout cela est révolu. La crise a changé la donne, bien sûr parce que le financement de gigantesques plans de relance nécessite des ressources. Mais aussi parce que le rôle de l?Etat est désormais perçu de façon plus clémente, voire positive?: une caricature en a chassé une autre, l?Etat nounou a remplacé l?Etat vampire. Quant au marché et à la liberté économique, ils ont montré leur jour le plus sombre, avec le krach financier. Déjà, les premières décisions du G20 débouchent sur des coopérations fiscales qui eussent été inenvisageables il y a six mois. Ces changements s?étageront sur plusieurs années, ils seront ponctués d?avancées et de reculades, mais depuis hier, ils sont engagés.