Bonus, la forme et le fond

Par pagay@latribune.fr  |   |  347  mots
Par Pierre-Angel Gay, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

Par la dureté de son verbe, par ses convocations théâtrales des grands banquiers, Nicolas Sarkozy relaie depuis des mois l'incrédulité, l'incompréhension, voire l'exaspération de l'opinion face aux "excès" du monde de la finance. Mais il a aussi créé une impatience que l'absence d'annonces fortes, hier, ne peut que décevoir.

La simplicité aurait voulu que l'on n'encadre pas les rémunérations des traders, mais qu'on les taxe. L'Etat ne s'immisce pas dans la gestion des entreprises privées et laisse jouer les règles du marché. Il se contente de frapper les rémunérations socialement inacceptables. C'est, pour l'essentiel, la stratégie choisie par les Pays-Bas qui ont adopté une loi surtaxant les "gros salaires" et qui menacent d'aller plus loin en imposant toutes les primes à hauteur de... 90%.

C'est aussi, d'une certaine façon, le choix fait par la Grande-Bretagne, qui a alourdi la taxation des plus hauts revenus. Depuis, les financiers de la City, ceux des "hedge funds" en particulier, menacent de prendre leurs cliques et leurs claques pour les cieux plus cléments des îles anglo-normandes, de Genève ou de Zurich. La France n'a pas voulu s'aventurer sur ce terrain pour des raisons politiques. Le président de la république répète à l'envi qu'il n'a pas été élu pour augmenter les impôts. Et le "bouclier fiscal", inventé pour rendre acceptable l'ISF, empêche de facto l'alourdissement de l'impôt des traders les plus riches.

Restait à encadrer les bonus. C'est la voie choisie par la plupart des pays européens. Bruxelles y travaille, au travers de la révision, très technique, d'une directive sur les banques. Berlin et Paris explorent des chemins parallèles menant à plus de transparence et de contrôle, et moins de prises de risque. Et, disons-le, sur tous ces points, les banques françaises ont joué le jeu, s'engageant notamment dans un système de "bonus-malus". Mais le grand public, lui, aura le sentiment que la chasse aux rémunérations extravagantes a fait... "pschitt" ! La surcommunication montre ses limites.