Brice de niches (fiscales)

Par flenglet@latribune.fr  |   |  412  mots
Par François Lenglet, rédacteur en chef à La Tribune.

C'est un héros qui se dévoue pour une cause difficile, sinon désespérée, l'amélioration des finances publiques françaises. S'il avait les cheveux plus longs et un tee-shirt jaune, on pourrait l'appeler Brice de Niches : Eric Woerth, notre ministre du Budget, a décidé de s'attaquer aux "niches" fiscales et sociales, ces innombrables réductions et crédits d'impôt qui obèrent les rentrées d'argent de la puissance publique. Pour les seuls impôts de l'Etat, il existe en France 469 dispositifs différents, qui coûtent quelque 70 milliards d'euros chaque année, soit davantage que le produit de l'impôt sur le revenu.

Le système fiscal français est donc une sorte de vaste chenil où chaque lobby a construit sa niche, pour loger soit un caniche, soit un monstre ultramarin - les déductions pour subventionner les investissements outre-mer figurent parmi les plus importantes et les mieux défendues. Tous les gouvernements successifs ont annoncé qu'ils allaient supprimer ces dérogations, avant de s'en retourner vaincus, la queue basse. Car les parlementaires le savent d'expérience, dans chaque niche, il y a un chien qui mord. "Cave canem", telle est la devise du locataire de Bercy.

L'année dernière pourtant, le gouvernement n'a pas molli devant les crocs étincelants de la ménagerie des lobbies. Il a plafonné les niches, alors qu'elles étaient naguère à ciel ouvert, c'est-à-dire sans limitation. Le bon sens rejoint ici la justice fiscale, d'autant que la hauteur autorisée sous plafond laisse toujours de quoi loger une belle bête. Le ministre des Comptes publics veut aller aujourd'hui beaucoup plus loin. Taxe sur les plus-values mobilières et immobilières, coup de rabot sur les retraites chapeaux, ponction sur la participation et les stock-options...

Quand on fait rentrer Eric Woerth dans le chenil, c'est un vrai carnage. Il est vrai que la multiplication des régimes dérogatoires et des seuils est une calamité qui entretient la bureaucratie et biaise inutilement les comportements. Et lorsque les incitations sont si nombreuses, elles ne peuvent être que contradictoires.

Un regret, toutefois. Entre les budgets 2008 et 2009, soit sur un an, notre ministre a aussi créé... seize niches flambant neuves. Parmi lesquelles l'indispensable "réduction de l'impôt sur le revenu au titre de la restauration d'objets mobiliers classés monuments historiques". C'est le problème, avec les chiens : dès qu'on ne les surveille plus, ils font des petits.