Barroso, la tête sans la voix

Par Philippe Mabille, éditorialiste à La Tribune.

Réélu confortablement hier président de la Commission de Bruxelles pour un deuxième mandat, José Manuel Barroso va donc incarner l'Union européenne cinq années de plus. Surnommé "le Caméléon", parce qu'il aurait une fâcheuse tendance à changer d'avis selon son interlocuteur, l'ancien Premier ministre portugais, seul candidat à sa succession, n'était pas vraiment en danger. Soutenu par les 27 chefs d'Etat et de gouvernement, il a réussi à rassembler une majorité absolue au parlement issu des élections de juin dernier.

Sans l'apport plutôt embarrassant des voix des eurosceptiques européens, il n'aurait toutefois bénéficié que d'une majorité relative. Ce qui aurait imposé un second vote en cas d'adoption du traité de Lisbonne par l'Irlande, le 2 octobre prochain. La légitimité de José-Manuel Barroso a d'ailleurs été contestée par celui qui est devenu son principal opposant, le député des Verts Daniel Cohn-Bendit, qui a tout tenté pour essayer de faire élire une nouvelle tête pour l'Europe. Finalement, elle va garder le même visage jusqu'en 2014, ce qui n'est peut-être pas si mal, à l'heure où l'on essaie de rapprocher l'Europe des citoyens.

Considéré comme le pantin des grands pays, France, Allemagne et Royaume-Uni, José-Manuel Barroso s'est beaucoup appliqué jusqu'ici à ne pas faire d'ombre à Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et Gordon Brown. Au point que l'on s'est mis à voir dans cet effacement de la Commission au profit du Conseil le signe d'une profonde mutation institutionnelle de l'Europe, de moins en moins fédérale. De fait, depuis le déclenchement de la crise il y a un an, la voix de Barroso a été inaudible et la Commission s'est montrée incapable de prendre la moindre initiative.

C'est pourtant maintenant, au moment où la reprise s'esquisse, que l'on aurait besoin d'une parole forte de l'Europe. Pour rappeler les règles de la concurrence alors que les tentations protectionnistes prospèrent. On le voit en France avec le dossier de la quatrième licence mobile. Pour restaurer la discipline budgétaire à l'heure où le laxisme prend le dessus. On le voit avec le grand emprunt que se prépare à lancer Nicolas Sarkozy, à rebours de la stratégie de sortie de crise rigoureuse défendue par l'Allemagne.

L'autorité de la Commission sera d'autant plus cruciale que c'est aussi au cours de ce mandat que va être complètement revue la politique agricole commune. De ces trois seuls points de vue, la reconduction du très libéral José-Manuel Barroso dans une Europe désormais convertie au retour de l'Etat est peut-être moins anecdotique que certains veulent le croire.

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