Les divergences sur la régulation financière

Par Dominique Chesneau  |   |  753  mots
Par Dominique Chesneau (Tresorisk Conseil).

Avant le sommet du G 20 de Pittsburgh qui débute demain, nos ministres des Finances, nos banquiers centraux et nos régulateurs ont travaillé d'arrache-pied.
De nombreux objectifs et des méthodologies claires ont été définis rapidement, mais ensuite une cacophonie a commencé à se faire entendre. Nos amis anglais, par exemple, ne sont pas enthousiasmés par l'idée que la Banque centrale européenne (BCE) coordonne l'action des superviseurs bancaires non-européens, relevant de la zone euro... ou pas !

Autre exemple : la Banque des règlements internationaux (BRI), au sein de la quelle les banquiers américains sont nombreux à avoir participé aux divers groupes de travail, a édicté des principes dits de "Bâle" puis de "Bâle 2" qui n'ont été traduits législativement (et avec beaucoup de zones grises) que par l'Union européenne... et pas par les Etats-Unis qui ne les appliquent donc pas ! Bâle 2 a introduit le principe de modèles de suivi statistique de risques, que ces modèles soient standards ou internes.

La Réserve fédérale américaine a choisi de laisser de côté la statistique pour la "réalité" : ce sont "les stress tests économiques". Or, on a constaté la réussite de la méthode et des modèles de scénarios extrêmes dès le début de la présente crise. Ajoutons que la question, posée publiquement en août, sur la pertinence d'insérer dans les fonds propres les dettes hybrides et autres subordonnées, va compliquer la concertation entre les Européens continentaux d'une part, les Britanniques et les Américains d'autre part, pour que soit trouvée une sorte de Bâle 3 (!), applicable partout !

La lutte risque d'être rude car les Britanniques occupant les fonctions de directeurs généraux à la Commission européenne, on peut penser que le nouvel exécutif européen ne sera pas aidé avec diligence par son administration sur ce sujet. Quelques rappels à l'ordre des président français et de la chancelière allemande devraient toutefois permettre de régler ces "menus" détails. Apparaissent donc deux conceptions de suivi des risques et du contrôle prudentiel. Le modèle "européen" de contrôle mensuel, validé conceptuellement une fois et révisé, certes régulièrement, mais avec un phénomène d'hystérésis dommageable, et le modèle américain, de surveillance irrégulière fondée sur une "réalité" économique.

Le résultat de ces négociations conditionnera la quantité de crédit allouable et son coût. Et les PME qui n'ont pas d'accès direct aux marchés financiers attendent...

Troisième exemple relatif à la détermination du bonus des traders : au-delà des problèmes "mercantiles" de place, des réponses convergentes doivent être apportées préalablement à toute évolution de la gouvernance d'entreprise au moins sur les points suivants. Comment déterminer le mode de financement des activités de marché sans avoir précisé la nature des fonds engagés (fonds propres ou emprunt à court terme) et donc sans pondérer de "l'avantage banques centrales" permettant de financer à coût quasiment nul les opérations de portage liées aux arbitrages! Par ailleurs, ne faudrait-il pas réfléchir à (ré)introduire dans le calcul, le retour sur capital ajusté des risques (RAROC) : gagner 100 avec un risque de 10 est préférable au même gain avec un risque de 50 ! Ceci étant pondéré, la" Value at risk" a, à cet égard, vécu...

Enfin, ne pourrait-on proposer des modalités de versement que les responsables de PME connaissent d'autant mieux qu'ils sont détenus par des fonds d'investissement et qu'ils ont des rémunérations variables proches de celles des gérants de ces fonds. Les plus-values potentielles dégagées sont versées à l'issue du désengagement définitif de l'actionnaire; et, concernant les responsables de "private equity", à l'issue de l'encaissement des plus-values réalisées lors de la cession de toutes les participations du fonds. L'impact de la crise sur la rémunération des gérants de fonds de capital-investissement ayant été fort cette année, à la fois en valeur des montants versés et, parfois, en conditions de licenciement, personne ne critique leurs rémunérations.

Ne serait-ce pas un pas, même modeste, sur la voie de la réconciliation entre économies réelle et "virtuelle" ? Et si les économies occidentales retrouvaient la notion de solidarité... afin d'éviter un prochain plongeon mortel ?