Marc Pouzet : "le système coopératif est celui qui assure le meilleur rapport qualité-prix"

Dans cet ouvrage, un chef d'entreprise-banquier, allié à un sociologue ayant travaillé sur la "postmodernité" et les communautés, s'allient pour défendre une nouvelle voie dans l'organisation de la société. Parce que, selon eux, la crise financière est le symptôme de l'échec de la société de capitaux dont la course au paroxysme aboutit à un épuisement de l'ensemble de la société, ils proposent une réflexion sur un autre type d'organisation, celle qui allie des personnes tendant vers un but commun, et où la valeur d'usage a au moins autant d'importance que la valeur financière. Eprouvé dans le secteur agricole ou bancaire, le système coopératif est, selon les auteurs de cet ouvrage, une voie que les individus attendent aujourd'hui, car il leur permet d'être associés, solidaires et engagés dans le développement de leur territoire.

La Tribune : Pourquoi écrire cet ouvrage maintenant ?

Marc Pouzet : Nous sommes aujourd'hui dans un époque de pensée unique. Celle où domine la société de marché des capitaux. Pourtant, nous estimons que l'alternative, la société de personnes, répond aux attentes du monde d'aujourd'hui. Le XIXème siècle a fondé le comportement économique sur la rentabilité financière. Depuis, la société a été rassasiée en biens matériels. Or, force est de constater aujourd'hui que cela n'apporte pas l'épanouissement. Le consommateur réagit comme un épargnant : il place son argent et en attend un rendement sans se poser aucune question sur ce qu'il y a derrière. Cela entraîne un jeu malsain, car tout est poussé à son paroxysme. Avec le temps, cela a produit des écarts de ressources comme jamais le monde n'en avait connu, et on a trop usé la planète. Le problème vient du fait que la société de capital est un outil et qu'on en a fait un système d'organisation. Le marché actuel a besoin de régulateurs de plus en plus puissants parce que le marché tente toujours de les contourner. D'ailleurs, on remarque que le régulateur intervient une fois que la crise est avérée. Et aujourd'hui, les Etats sont en train d'essayer de "bunkeriser" le c?ur nucléaire de la crise sous une chape de moyens financiers, mais de mon point de vue il s'agit de soins palliatifs et non curatifs.

 

Pourquoi la société de personnes répond-elle aux attentes selon vous ?

Une société de personnes est la mise en commun d'intérêts qui perçoivent une juste rémunération, mais où l'outil lui-même rend aussi un service de façon performante. Parce que la rentabilité financière peut être inférieure à celle d'une société de capitaux, la rentabilité de son usage doit être supérieure. La notion d'utilité fait toute la différence. De ce point de vue, le système coopératif est celui qui assure le meilleur rapport qualité-prix. C'est d'ailleurs ce qui explique que dans les domaines agricole ou bancaire, le coefficient d'exploitation (charges sur revenus ndlr) du système coopératif soit nettement inférieur à celui des autres sociétés, la performance économique est meilleure. C'est un engagement collectif au service de l'individuel.

 

Comment définissez-vous ces notions d'utilité ?

Il y en a deux essentielles. La proximité et la solidarité. S'agissant du premier point, une coopérative fait son business sur un territoire donné : elle produit un bien particulier qui est essentiel au développement du territoire, et ce faisant elle crée du lien entre les gens. Et à l'inverse de ce que l'on entend souvent, quand on développe son territoire, on développe son ouverture au monde. Car plus le monde paraît petit, plus on a besoin d'ouverture vers l'environnement extérieur, c'est particulièrement vrai avec les nouvelles technologies aujourd'hui. Le deuxième élément concerne la solidarité : un système coopératif ne laisse pas tomber ses adhérents lorsqu'ils ont un problème, parce qu'un échec individuel rejaillit toujours sur la communauté dans son entier. La communauté n'a aucun intérêt à avoir une charge supplémentaire, elle va donc tout faire pour donner la possibilité à celui qui a un problème de s'en sortir. Et elle ne le fait pas dans l'assistanat, elle lui donne les moyens de trouver lui-même sa solution.

 

Pensez vous que ce discours puisse être audible aujourd'hui ?

Le professeur Maffesoli est un grand spécialiste de la post-modernité. Nous y sommes aujourd'hui et la société de personnes nous paraît s'inscrire parfaitement dans ce contexte. Parce que les jeunes aujourd'hui sont beaucoup plus réceptifs. Il nous semble que maintenant les gens veulent moins de pouvoir mais souhaitent être davantage associés. Dans la coopérative, ceux qui participent au choix sont eux-mêmes des utilisateurs du service. D'une certaine manière, c'est un cercle consumériste qui défend son intérêt sur le long terme. Et de ce fait, le système s'autorégule. Il faut que les gens se reprennent en main pour créer la responsabilité individuelle.

 

Comment mettre ces discours, certes très humanistes, en pratique ?

Si nous considérons que la société de personnes est une alternative à la société de capitaux, il faut agir car aujourd'hui le système coopératif n'est plus enseigné nulle part. Ce livre a vocation a essaimer l'idée de l'intérêt de la société de personnes. Par ailleurs, avec M.Maffesoli, nous avons construit un cours de 20 heures dispensé par des universitaires et que nous offrons à toutes les universités ou grandes écoles qui le souhaitent.

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