Grand emprunt, petite querelle

Par pmabille@latribune.fr  |   |  361  mots
Par Philippe Mabille, éditorialiste à La Tribune.

Qu'est-ce qui fait qu'un emprunt est "grand" ou "petit"?? Son montant?: 30, 50, 100 milliards ou plus?? L'importance des projets qu'il finance?: les universités, le numérique, les biotechnologies, le transport propre?? Les besoins du royaume de France sont tels que la liste des moulins à vent que l'on peut financer est infinie.

L'appel des 63 députés UMP qui, le lundi, dénoncent le déficit de la Sécurité sociale et, le mardi, se prononcent, sous couvert de sortie de crise, en faveur d'un très-gros-grand emprunt, reflète l'esprit d'un temps qui a perdu tout sens des repères. Qu'est-ce donc qu'un milliard, quand l'État peut en mobiliser 360 d'un seul coup pour les banques ou bien 150 pour le déficit d'une seule année.

C'est la fable de la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le b?uf. Elle finit mal. En cinq ans, la France verra déjà sa dette enfler de 500 milliards d'euros. Elle atteindra 100% du PIB en 2015, au moment où le choc démographique va faire exploser les dépenses de retraites.

A ce niveau, la mauvaise dette chasse la bonne et la signature de la France sur les marchés risque d'être entamée. Influencé par son conseiller spécial, Henri Guaino, le chef de l'Etat peut certes faire sienne la phrase totem de son prédécesseur à l'Élysée ("plus c'est gros, plus ça passe?!").

Mais Nicolas Sarkozy pourrait aussi se souvenir des propos qu'il tenait quand il était ministre des Finances de Jacques Chirac, le 4 mai 2004?: "aux économistes qui proposent de relancer la croissance en creusant le déficit et la dette, je réponds?: pour le déficit et la dette, c'est fait. Pour autant, la croissance n'est pas suffisamment là. La raison en est simple?: les Français n'ont pas confiance dans l'avenir."

Christine Lagarde, qui a fustigé hier la "petite querelle" du grand emprunt, ne saurait mieux dire. Et on voit mal comment l'actuelle ministre des Finances et celui du Budget, Eric Woerth, pourront garder leur crédibilité si l'Élysée va au-delà de la fourchette de 20 à 40 milliards d'euros proposée par la commission Juppé-Rocard.