Medef : divorce à l'ANIAble

Par Erik Izraelewicz, directeur des rédactions de La Tribune.

Une claque historique, ce départ des industriels de l'agroalimentaire (l'Ania) du Medef. Il faut remonter à 1968 pour trouver un tel geste. A l'époque, la fédération patronale du caoutchouc, celle de François Michelin, avait quitté avec pertes et fracas le CNPF, l'ancêtre du Medef.

Ce clash est un échec pour Laurence Parisot, sa présidente. A la tête du mouvement depuis cinq ans, elle savait que "la vie, la santé, l'amour et le travail sont précaires" - comme elle l'avait dit en 2005 lorsqu'elle plaidait en faveur de la rupture négociée du contrat de travail, elle apprend aujourd'hui que la présidence du Medef l'est aussi. L'Ania, avec ses 10.000 entreprises, quelques grosses (Danone, Pernod-Ricard, Bonduelle, etc...) et de très nombreuses petites, n'est certes qu'un membre parmi d'autres de l'organisation patronale. Sa décision n'en reflète pas moins un malaise plus général au sein du monde patronal, parmi les dirigeants de PME surtout.

Laurence Parisot est victime de la crise. Les industriels de l'agroalimentaire estiment qu'avec le Medef, ils n'en ont plus pour leur argent, qu'avec la crise, comme dans leurs entreprises, ils doivent tenir compte du rapport coût/efficacité de toutes leurs dépenses, des cotisations qu'ils versent aux organisations censées les défendre aussi. Certains critiquent ensuite son style de management - autoritaire, centralisé et parfois brutal. Au-delà, dans la décision des patrons de l'agroalimentaire, il y a en réalité une sanction plus profonde, celle des choix de Laurence Parisot. Malgré ses efforts des derniers mois pour promouvoir la "PME attitude", ses discours, parfois courageux, sur la diversité, l'environnement ou l'éthique (dans le débat sur la rémunération des patrons par exemple) restent mal compris par une grande partie de ses adhérents. Beaucoup s'inquiètent de sa proximité avec quelques grands banquiers ou les géants de la distribution.

Tous sont exaspérés par la multiplication des contraintes que l'Etat fait peser sur leur gestion au jour le jour sans que le Medef ne s'en indigne à l'excès (sur le nombre de seniors, le quota de handicapés, la part des femmes, etc...). Dans la défense de leurs intérêts, Laurence Parisot n'a pas totalement démérité. Les entreprises ont obtenu, sous son règne et même si cela ne lui est pas totalement imputable, bien des avancées - sur la fiscalité ou le droit du travail notamment. Cette fois-ci, la patronne de l'Ifop a, semble-t-il, mal senti l'opinion. La campagne pour sa succession s'en trouve précipitée.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.