La Chine et les 169 pas

Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

Beaucoup de Chinois sont condamnés à mort et exécutés chaque année. Au moins 1.700 l'ont été l'an dernier, la majorité des 2.400 exécutions signalées dans le monde. Akmal Shaikh, mis à mort par injection mardi 29 décembre, n'est donc qu'un supplicié parmi d'autres. Sauf qu'il s'agit d'un citoyen britannique et que Gordon Brown lui-même était intervenu à plusieurs reprises auprès des autorités de Pékin pour qu'il soit épargné.

L'homme, d'origine pakistanaise et père de trois enfants, souffrait, selon ses proches, de troubles mentaux. Des trafiquants de drogue en auraient profité pour lui faire transporter les 4 kilos d'héroïne découverts dans ses bagages. Triste histoire et terrible symbole. Le dernier Occidental exécuté en Chine, en 1951, avait été accusé de fomenter l'assassinat de Mao Zedong et fusillé. Akmal Shaikh semble un bien menu fretin en comparaison.

Osons une interprétation. La Chine a pris en 2009 une toute nouvelle dimension sur la scène internationale. Elle est sortie plus vite et plus fort de la crise que les autres économies et s'impose désormais comme l'usine mais aussi le banquier du monde. Ses performances constituent pour elle plus qu'un triomphe, une revanche. En regardant, le 1er octobre 2009, la gigantesque parade militaire en l'honneur du 60ème anniversaire de la République populaire, beaucoup de téléspectateurs étrangers ont eu le frisson. Une chose leur a sans doute échappé, c'est que les soldats effectuaient un parcours très précis de 169 pas. Pourquoi 169 ? Parce que c'est le nombre d'années qui sépare 2009 de 1840, date à laquelle l'empire du Milieu a été vaincu par la flotte britannique dans la première guerre de l'opium.

Vue d'ici, la référence historique paraît ahurissante. C'était quoi, déjà, les guerres de l'opium ? Une agression caractérisée des Occidentaux pour obliger la Chine impériale à leur ouvrir ses marchés. Comme elle leur vendait de la soie, du thé, des porcelaines, et siphonnait en échange l'argent-métal, les Britanniques avaient eu l'idée d'y exporter de l'opium. En quelques décennies, des millions de Chinois étaient devenus opiomanes, obligeant l'empereur à interdire "ce poison qui sape nos bonnes m?urs". Sous un prétexte futile, la flotte britannique attaqua Canton en juin 1840. La grande humiliation de la Chine commençait.

Est-il fortuit que, quelques semaines après la parade des 169 pas, un Britannique ait été exécuté, pour trafic de drogue de surcroît ?

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Commentaires 2
à écrit le 15/01/2010 à 14:34
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Paraphrasons: "pour savoir où l'on va, il faut bien savoir d'où l'on vient"... Les Africains devraient en prendre de la graine... dégommer leurs satrapes de présidents ( qui ne sont guère que des suppôts de l'Ouest -exception faite de ZUMA-) et "en...

à écrit le 15/01/2010 à 5:51
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Ils ont bonne mémoire et la dent dure....Voir rancunier, ca promet

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