La taxe et son brouillon

Par Pierre-Angel Gay, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

Voilà un projet de loi prestement remisé ! Voilà une réforme - "la plus importante depuis l'abolition de la peine de mort", avait imprudemment déclaré Nicolas Sarkozy -, brutalement censurée par le Conseil constitutionnel. Voilà un nouvel impôt, le premier d'envergure créé depuis vingt ans, proprement étrillé par les sages de la rue Montpensier, à Paris. Non seulement, ont-ils jugé, le projet de taxe carbone qui leur était soumis était contraire à l'objectif visé, la lutte contre le réchauffement climatique, mais il remettait en cause le principe d'égalité devant l'impôt. Autrement dit, le président, le gouvernement et la majorité qui, elle, s'était fait prier, avaient tout faux !

Le problème pour Nicolas Sarkozy, aujourd'hui, n'est pas tant que les Français se réjouissent du passage provisoire à la trappe d'un nouvel impôt (à 94%, selon un sondage express de latribune.fr), ni que l'opposition sonne l'hallali, mais que l'on en vienne à regretter que le Conseil constitutionnel n'intervienne pas plus souvent. Car sa censure sonne comme un rappel à l'ordre. Il sanctionne une méthode brouillonne. Une méthode - des réformes multiples menées de front - que Nicolas Sarkozy avait conceptualisée en prévoyant qu'elle empêcherait l'opposition de se cristalliser sur un projet en particulier. Mais une méthode qui montre désormais ses limites.

Pour s'en tenir à l'économie, et à quelques exemples, 2008 avait fait oublier les ratés d'une intronisation "bling-bling", entre une loi-cadre sur le Grenelle de l'environnement adoptée à l'unanimité, deux G20 réussis sur la crise financière et l'amorce d'une politique industrielle avec la création du Fonds stratégique d'investissement. Mais en 2009, on est allé de mal en pis : de bonnes idées débouchant sur des textes de loi mal préparés, mal vendus, votés à contrec?ur par une majorité au mieux réticente, au pire exaspérée.

La loi sur l'audiovisuel public et son financement baroque de France Télévisions date de mars, mais le vrai basculement s'est fait en juin, au Congrès de Versailles, lorsque le chef de l'Etat a lancé l'idée abracadabrantesque d'un grand emprunt pour un pays hyperendetté. La baisse de la TVA dans la restauration, mal négociée, s'est faite au 1er juillet ; la promulgation de la loi censée protéger les ?uvres sur le Web, dite Hadopi 2, et dont le premier avatar avait été censuré par le Conseil constitutionnel, date de fin octobre ; la réforme de la taxe professionnelle est venue clore cette série de textes bâclés. Et l'on peut parier que ce n'est pas la refonte précipitée de la taxe carbone qui nous sortira de ce travers.

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