Une certaine idée de la grogne

Par Erik Izraelewicz, directeur des rédactions de La Tribune.

"Allô, M. Izraelewicz, Philippe Séguin à l'appareil." C'était il y a trois mois, le 8 octobre. Le premier président de la Cour des comptes était en colère. L'objet de son courroux : le titre de une, ce matin-là, de La Tribune. Philippe Séguin avait présenté, la veille, un rapport de la Cour dénonçant la complexité des impôts qui pèsent en France sur les entreprises. Le même jour, Alain Juppé, le maire de Bordeaux, avait fustigé la réforme de la taxe professionnelle. Notre titre : "Fronde fiscale des barons de la droite".

Qu'avions-nous dit là ? "Un baron, moi ! De droite en plus ! Vous connaissez mon parcours. Je ne suis ni baron, ni de droite." C'est là tout Séguin, celui que nous avons connu, celui que nous ne pouvions que respecter. Gaulliste social, souverainiste aussi, Séguin était un sanguin. Il fut, tout au long de sa vie politique, un combattant. Et dans notre présentation des choses, ce qui, sans doute lui déplaisait le plus - mais il ne devait rien en dire -, c'est que nous l'avions rapproché de celui contre lequel il avait mené les combats les plus durs, Alain Juppé.

Des combats, Séguin en a menés, il ne les a pas toujours gagnés. Il visait la mairie de Paris. Raté. Il fut le chef de file du "non" à Maastricht ; le "oui" l'a emporté. Il plaidait pour un capitalisme social. Il fut un ministre des Affaires sociales très "libéral". A l'instar de son héros, le général de Gaulle, il avait lui aussi "une certaine idée de la France". Mais toujours contrariant face aux canons de la pensée unique, il était devenu le porteur d'? une certaine idée de la grogne.

Comme Delors, Rocard, Mendès ou, pour remonter plus loin, Gambetta, Séguin fait partie de ces politiques pour lesquels la fin ne justifie pas les moyens. C'est ce qui explique qu'il ne soit jamais arrivé au faîte du pouvoir. C'est aussi ce qui le rend si sympathique à l'opinion. Quand on voit le nouveau consensus en train de se former, à l'occasion de la crise, autour de l'Etat, du volontarisme politique ou de l'Europe des nations, on sera peut-être bientôt amené à reconnaître qu'il n'a peut-être pas perdu toutes ses batailles.

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Commentaires 2
à écrit le 14/01/2010 à 5:19
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il peut remercier chirac et oui la mairie de paris,,,,,il avait perdu d"avance,,,,, nous soutenions tibéri,,,,sauf les hypocrites,,, résultat de ce foutoir,,,BERTRAND non a maastricht,,,,,c"est encore chirac,,,,, et surtout la cours des comptes,...

à écrit le 11/01/2010 à 13:58
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On peut peut-être distinguer la conquête du pouvoir de son exercice, et "les mains sales", ne veut pas dire couverte de sang. Il est bon que nos dirigeants désignés pour la foire d'empoigne internationale ne soient pas d'innocentes brebis, option pou...

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