Les défis de l'Europe après la crise financière

Le renouvellement de la Commission, dans laquelle le français Michel Barnier prend en charge la régulation des marchés, est l'occasion de dresser un bilan de la performance de l'Union européenne à travers la crise financière. De lourds défis sont à venir pour achever de nettoyer le système bancaire, réformer la régulation financière et redresser les finances publiques.

La crise financière a constitué un test sans précédent du fonctionnement de l'Union européenne et a révélé des défaillances majeures. La politique de dérégulation menée notamment par le prédécesseur de Michel Barnier, nouveau commissaire au Marché intérieur et aux services financiers, l'Irlandais Charlie McCreevy, a été profondément invalidée dès les premiers soubresauts de l'été 2007.

La panique qui a suivi la chute de Lehman Brothers en septembre 2008 a été initialement affrontée par les différents Etats membres sans aucune coordination, soulevant des doutes sur la pertinence du cadre communautaire en temps de crise. Les appels de la Commission à une coordination des plans de relance sont aussi largement restés lettre morte.

Les mesures de sauvetage prises par les Etats, vis-à-vis des banques mais aussi d'autres secteurs comme l'automobile, ont souvent consisté à défendre les "champions nationaux" et à les encourager à se replier sur leur pays d'origine, en contradiction des principes de base du marché intérieur, par exemple dans le cas de la tentative allemande d'obtenir un traitement de faveur pour les usines et les emplois situés sur son territoire lors de la vente par General Motors de sa filiale européenne Opel.

Les institutions communautaires ont paru inexistantes à des moments clés, comme la réunion de l'Elysée le 12 octobre 2008 au moment où la panique atteignait sa phase la plus aiguë, voire obsédées par des enjeux secondaires, comme la croisade du parlement européen contre les hedge funds et les fonds de private equity qui n'ont guère joué de rôle dans la crise. Enfin, la situation budgétaire difficile d'Etats membres comme la Grèce menace la pérennité même de l'euro, et fait apparaître l'Union comme un dispositif fragile, incapable de répondre aux crises, faute notamment de capacité financière au niveau fédéral.

Toutefois, en même temps que ces problèmes spectaculaires, l'UE a connu des succès inédits, souvent moins visibles mais tout aussi importants. La Banque centrale européenne a su gérer la crise avec adresse et a acquis une crédibilité qui lui manquait. La réunion de l'Elysée en octobre 2008, même sans rôle de la Commission, a eu un impact positif sur les marchés, qui a largement dépassé les frontières de l'Union. Les Européens ont ensuite joué un rôle dans le succès des sommets du G20, et ont évité une contagion macroéconomique en Europe centrale et orientale qui semblait presque inévitable à beaucoup d'observateurs il y a un an. La politique de la concurrence a été défendue avec succès par la Commission et a protégé l'intégrité du marché unique en dépit d'aides d'État d'une ampleur sans précédent.

A la suite du rapport Larosière de février 2009, l'UE est en train de créer pour la première fois de véritables superviseurs financiers supranationaux, nécessaires pour permettre la poursuite de l'intégration transfrontalière. Et la zone euro a pour l'instant défié les prophéties de malheur qui la vouaient à l'éclatement.
La relative discrétion de ces succès européens peut se comprendre, car les politiques nationaux, en France comme ailleurs, utilisent volontiers "Bruxelles" comme bouc émissaire. Mais ils savent aussi que l'UE est un jeu à somme positive. Les observateurs non-européens sous-estiment souvent la robustesse de l'engagement politique collectif qui sous-tend la construction européenne et l'euro.

Ceci étant dit, les défis les plus lourds restent à venir. La crise est loin d'être finie. L'UE doit nettoyer son système bancaire, faute de quoi elle est condamnée à une croissance atrophiée ; rétablir la soutenabilité budgétaire dans la zone euro ; adapter sa représentation internationale, pour rester pertinente dans les discussions mondiales face à la montée en puissance des grands pays émergents ; et repenser la régulation de son système financier. Sur aucun de ces chantiers monumentaux, le succès n'est garanti, mais il n'est pas non plus impossible. Les décisions qui seront prises à leur sujet dans les mois et les années à venir par les dirigeants des institutions communautaires, mais aussi par ceux des Etats membres et par les citoyens dont dépend leur mandat, seront déterminantes pour la pérennité du projet européen.

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