Sortons de la zone mark  !

Par Bruno Moschetto, professeur de sciences économiques.

Qu'est-ce que la zone euro si ce n'est la zone mark ? Le passage du système monétaire européen à l'union économique et monétaire impliquait pour tous les pays élus d'abandonner leur monnaie nationale - dont le mark - contre une monnaie unique, l'euro. Pour les Allemands, cet abandon de souveraineté monétaire ne pouvait se faire qu'à une impérieuse condition : "Euro must be as good as mark." D'où la transposition à l'identique de la maîtrise de la gestion du mark à celle de l'euro. Le système européen des banques centrales devait être substantiellement conforme au système fédéral bancaire allemand mobilisé pour un seul objectif : lutter contre l'inflation, ce mal suprême.

Et il appartenait parallèlement à chacun des pays membres de maîtriser l'équilibre de ses comptes publics dans la même finalité. Dans cet esprit, il leur a été imposé une loi d'airain budgétaire : pas plus de 3 % de déficit par rapport à la production intérieure brute. Naturellement, tous les États - dont l'Allemagne - face à la contraction de la production et la montée du chômage ont été conduits à transgresser cette contrainte et à dériver vers des déficits qui gravitent autour de 6 % pour l'ensemble de la zone. Cette dégradation des comptes publics s'est immédiatement traduite, dans une espèce d'hystérie collective, par l'annonce de l'imminence d'une série de faillites face à la montée du déficit des pays réputés laxistes, comme la Grèce qui affiche un taux de déficit de 12 %, un niveau comparable à celui des États-Unis !

Il s'agit en toute hypothèse d'un faux problème. Un pays membre de la zone endetté en euros - c'est-à-dire dans sa propre monnaie - vis-à-vis de ses résidents et des non résidents - ne peut tomber en faillite puisque ses contribuables sont garants, en dernier ressort, de la dette de l'État, tout au moins tant qu'il y a un Etat. En cas de déficit vis-à-vis de pays non membres de la zone, ce même pays ne serait pas déclaré en état de cessation de paiement - vis-à-vis de l'extérieur - puisque ce sont les réserves publiques de la zone, "communautarisées" à Francfort, qui seraient mises à contribution, pour répondre à tout déficit global de la zone.

À la limite, les Grecs pourraient recourir au fameux adage : "Euro is our money but it is your problem." Face à cet état de choses, les autorités européennes ne disposent d'aucun moyen de contrainte réelle pour obliger la Grèce à rééquilibrer ses comptes. Il sera très difficile pour le gouvernement grec de faire accepter par son peuple des programmes d'austérité de plus en plus draconiens imposés par Bruxelles. Ce que l'on semble oublier est que pour les Grecs, l'euro ressemble fort au mariage de la carpe et du lapin, celui de la drachme et du mark. Les Grecs ne peuvent et ne veulent pas faire les frais d'une monnaie surévaluée, d'où la détérioration de leurs comptes.

Avant que les spéculateurs ne ciblent tour à tour d'autres pays en déficit avéré, ne serait-il pas opportun, pour sauver l'acquis communautaire, que les nations périphériques de l'Allemagne sortent de cette zone mark de fait pour constituer le deuxième pôle d'une zone monétaire européenne ? Et ce, en adoptant une monnaie commune. Cette monnaie pourrait même être l'euro, dans la mesure où il aurait retrouvé sa parité de pouvoir d'achat - notamment par rapport au dollar donc au yuan. Il coexisterait avec les autres monnaies nationales retrouvées, lesquelles seraient dans un rapport fixe mais ajustable avec lui. Un troisième pôle se situerait naturellement à Londres autour de la livre. Et rien n'empêcherait les trois centres de cette zone monétaire multipolaire - livre, mark et l'euro - d'établir des liens de parité fixes mais ajustables et promouvoir ainsi un nouveau système monétaire européen.

 

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