Préservons les trois atouts du système bancaire français

Sortir de la crise financière ne doit pas nous empêcher de défendre les spécificités de notre système bancaire qui font aujourd'hui sa force et sa stabilité. Ces spécificités, le Comité de Bâle doit les prendre en compte dans ses réflexions pour renforcer les règles prudentielles. Il s'agit de la place d'un mutualisme adapté au marché, du modèle de bancassurance qui a fait ses preuves et enfin du rôle joué par les banques françaises dans la consolidation du système bancaire européen.

Sans que nous soyons encore au clair sur le niveau de fonds propres à aligner face aux risques de contrepartie, le système bancaire sait qu'il n'échappera pas à un renforcement des capitaux propres "durs" (Tier One) redéfinis. Sortir du charivari de la crise financière ne doit pas nous empêcher de défendre quelques spécificités de notre système bancaire qui font aujourd'hui sa force et sa stabilité. Tout d'abord, son secteur mutualiste. Le mutualisme a toujours tiré sa force de sa prudence. Il a gardé ses bénéfices en réserve et servait royalement 2 % à 4 % de rémunération sans valorisation des parts sociales. Que n'a-t-on reproché aux mutualistes d'avoir des fonds propres pléthoriques ! Cela, les mutualistes l'ont accepté, assumé et en ont même fait un instrument de conquête. Le Comité de Bâle, groupe de banquiers centraux et de régulateurs, donne dans ses nouvelles propositions (Bâle III) une définition restrictive des opérations servant à alimenter les fonds propres des banques. Mais le texte laisse aux régulateurs locaux le soin de définir le système des équivalences. L'équivalence des parts sociales est acquise et celle des certificats coopératifs (CCI) peut se plaider. On peut même considérer que les participations dans les banques régionales ne devraient pas être sujet à polémique. Le seul risque systémique qui subsiste en France est celui d'une déstabilisation des équilibres, désormais ancrés entre différentes forces dans la banque. C'est une force que d'avoir BNPP et Société Générale, mais cette force s'appuie et s'alimente par un Crédit Agricole ou un BPCE forts. Parallèlement, les banques mutualistes devraient relancer activement le sociétariat volontaire.

Ensuite, la bancassurance. Le système proposé de Bâle III imposerait pourtant de déduire la totalité des participations dans l'assurance des fonds propres "durs" des banques actionnaires. Cela revient en clair à attribuer le même niveau de risque à une compagnie d'assurances qu'à une banque. On comprend bien que cette règle soit promue aux États-Unis, qui n'ont jamais brillé par l'efficacité ni la solidité de leur système d'assurances. Le régulateur américain est très tenté par une règle qui ne "coûtera" rien au système et qui affaiblira quelque peu le système européen. Il serait plus équitable de déduire des capitaux "Tier One", le montant des fonds normatifs de l'assurance tels qu'ils résultent de la directive européenne. Ce qui est en jeu, c'est bien notre modèle de bancassurance. Celui-ci tire sa force d'un circuit court entre l'assureur et le client bancaire. Comme la gestion d'actifs, l'activité d'assurance devient un des chromosomes de l'efficacité du modèle de banque universelle. Réguler, oui. Mais nuire à la concurrence en élaborant des miroirs déformants de la réalité du risque, c'est encore une fois affaiblir et non renforcer. N'oublions surtout pas qu'aucun des modèles assureurs banques n'a marché autant que les modèles bancassureurs. Cela vaut le coup de le défendre.

Enfin, ne pas sacrifier l'Europe. Nul doute que le combat politique engagé contre le "too big to fail" ne manquera pas d'avoir un certain écho dans la stratégie des banques. La spécificité de la banque française est d'avoir un barycentre largement situé du côté des activités récurrentes. Depuis 2006, l'acquisition de banques de détail en Europe a pris un essor particulier, notamment en Europe de l'Est. La pression sur les fonds propres incitera les banques françaises à se débarrasser de leur participation les plus risquées. Le faire aujourd'hui reviendrait à acheter au plus haut, beaucoup investir et finir par vendre au plus bas. La nécessaire restructuration de nombreuses participations ne doit pas nous écarter d'un rôle majeur que les banques françaises doivent jouer en Europe. N'oublions pas que les Anglo-Saxons sont présents en Asie alors que nous en sommes globalement absents. Lorsque la course aux revenus et à la rentabilité future sera engagée, il serait utile que les banques françaises soient des acteurs de cette croissance. La naïveté consisterait à s'aligner sur les positions les moins coûteuses pour les concurrents internationaux. Jamais la régulation n'a été neutre sur la concurrence, faisons en sorte de limiter l'impact de Bale III pour nos banques.

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Commentaires 3
à écrit le 14/03/2010 à 10:07
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Une tribune libre bien informée, on voit que M. Agoumi a fréquenté les cimes du secteur (comité de direction de CASA). Il est vrai que le secteur bancaire français (et d'Europe continentale) a besoin de moins de naïveté et de plus de réalisme face au...

à écrit le 28/02/2010 à 17:11
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je pense que les banques-mutualistes-crédit-populaire-agricole-assurance, ont fait leurs preuves en France depuis un siècle et demi se sont transformées en banques privé créées pour faire du profit. En réalité, elles n'ont pas plus d'intérêt si ce n'...

à écrit le 27/02/2010 à 11:12
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Le système bancaire français a mieux résisté à la crise que les autres systèmes bancaires dans le monde.

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