Investir dans les pays émergents depuis chez soi

Goldman Sachs a inventé les "Bric", ce quator de pays émergents (Brésil, Russie, Inde, Chine) promis à une forte croissance durable. Une nouvelle catégorie d'actifs est en train de voir le jour : les multinationales européennes dont l'"ADN" est de plus en plus "émergent". On pourrait même baptiser ces groupes : les multinationales "euro-émergentes".

Ces vingt dernières années, les entreprises des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont sensiblement augmenté leurs investissements sur les marchés émergents. De façon emblématique, une multinationale comme l'entreprise espagnole Telefonica, l'un des leaders mondiaux dans les télécoms, a investi, rien qu'en Amérique latine, près de 90 milliards d'euros durant la période 1990-2009. Les marchés émergents ont cessé de constituer une catégorie exotique et lointaine : ils absorbent déjà près de la moitié de l'ensemble des exportations européennes. Plus important encore, un investisseur peut désormais miser sur ces pays en investissant exclusivement dans des firmes du CAC 40, du FTSE 100 ou de l'Ibex 35. La crise actuelle cache en partie ce nouveau panorama entrepreneurial. Les taux de croissance élevés se trouvent désormais dans les marchés émergents, et non dans les pays de l'OCDE.

Certaines multinationales, comme l'entreprise helvético-suédoise ABB, la française Schneider Electric ou l'allemande Volkswagen, réalisent déjà respectivement 55%, 32% et 26% de leur chiffre d'affaires sur les marchés émergents. En ce qui concerne le groupe allemand, ce pourcentage ne recouvre, de plus, que deux pays : la Chine et le Brésil. Le chimiste français Rhodia, quant à lui, réalise près de 17% de son chiffre d'affaires dans un seul pays émergent : le Brésil. Ces entreprises ne sont pas les seules à s'être tournées vers les marchés émergents. L'entreprise "française" de ciments Lafarge tire près de 60% de ses bénéfices des différentes régions émergentes du monde en 2008, dont l'Afrique et le Moyen-Orient. Et sa concurrente suisse Holcim réalise 50% de son chiffre d'affaires dans les pays émergents depuis 2008.

La course des groupes occidentaux aux émergents ne se limite pas aux Bric, et ils sont nombreux à prendre des positions fortes au Mexique, en Turquie, en Egypte, au Vietnam, en Afrique du Sud ou en Indonésie. Certains, comme Unilever, sont même à présent cotés en Bourse dans des pays comme l'Afrique du Sud ou l'Inde. Ainsi, Hindustan Unilever est une entreprise "indienne" cotée sur le marché local. La banque "britannique" Standard Chartered a franchi un pas supplémentaire : elle est devenue une banque de marchés émergents, et réalise la totalité de ses bénéfices dans ces zones. Même si son siège demeure à Londres, ses centres d'affaires et de revenus se trouvent en Afrique, au Moyen-Orient, dans le Sud-Est asiatique, en Inde ou en Chine.

 

Récemment, Goldman Sachs a publié une étude selon laquelle ces groupes d'entreprises - européennes mais caractérisées par une présence, des ventes et des bénéfices importants sur les marchés émergents - ne se limitent pas à présenter les potentiels les plus élevés de leurs indices boursiers respectifs, mais constituent déjà un type spécifique d'actif. En effet, en moins d'une décennie, ce groupe de quarante multinationales européennes sélectionnées a doublé son exposition aux marchés émergents. Et, de fait, la nationalité de la quarantaine d'entreprises "européennes" comprises dans cette liste est incertaine : comment catégoriser Arcelor Mittal, une entreprise qui dispose certes d'un siège en Europe, mais qui appartient à un magnat indien ? L'entreprise belgo-américano-brésilienne de production de bière Anheuser-Busch InBev constitue un cas emblématique. Bien qu'elle ait conservé son siège en Belgique, elle est entièrement gérée par des Brésiliens depuis sa fusion, il y a quelques années, avec un brasseur brésilien.

Au final, ces multinationales permettent également d'investir dans les marchés des pays émergents depuis chez soi. Elles sont toutes cotées à Londres, Paris ou Madrid pour certaines. Elles permettent aux investisseurs de miser sur les marchés émergents au travers d'entreprises européennes. Il est probable que nous assistions bientôt à la naissance de fonds d'investissement qui auront pour objectif d'investir sur les marchés émergents via des entreprises européennes. Goldman Sachs a inventé les Bric. Une nouvelle catégorie d'actifs est en train de naître : les multinationales "euro-émergentes".

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