Transactions financières  : pas de taxe internationale au rabais

Par Thomas Coutrot et Sébastien Fourmy, respectivement coprésident d'Attac France et directeur du plaidoyer Oxfam France.

Plus d'un an après la faillite de Lehman Brothers, l'idée de taxer plus fortement le secteur financier a finalement fait son chemin. Officiellement en France, au sein de l'Union européenne et du G20, et jusqu'au FMI, la question n'est plus de savoir s'il faut le faire mais comment s'y prendre. Contrôle des bonus, constitution de nouveaux fonds de réserve, taxe minimale sur les changes, etc..., plusieurs options sont sur la table et les négociations sont en cours entre pays du G20. Mais à vouloir tout mettre sur le même plan, le risque est grand que la montagne n'accouche d'une souris et que soit oubliée toute véritable ambition de régulation internationale.

Face à cela, des organisations de la société civile forment un front inédit en faveur d'une taxation globale des transactions financières, seule à même de répondre aux exigences de régulation, de prévenir les futures crises et de financer la solidarité internationale. Cette taxe, si elle est introduite sur ce principe, permettrait de réduire le pouvoir de nuisance de la spéculation et de stabiliser l'économie, tout en dégageant d'importantes ressources pour financer les budgets sociaux, la lutte contre la pauvreté dans le monde et contre le réchauffement climatique et ses conséquences.

La partie est toutefois loin d'être gagnée : tout indique que les gouvernements des pays riches sont en train de se rallier à une proposition du FMI et de l'administration des Etats-Unis, farouchement opposés à une taxe générale sur les transactions financières, d'instaurer une simple taxe sur le bilan des banques. Leur schéma : un fonds de réserve pour financer les prochains sauvetages de banques en faillite. Sur proposition du très libéral ministre des Finances suédois, Anders Borg, les vingt-sept pays de l'UE s'apprêtent eux aussi à proposer au G20 une taxe similaire. Cette proposition est doublement dangereuse.

D'une part, elle ne changera rien ou presque aux comportements les plus nocifs des banques, qui risquent même de prendre encore plus de risques pour compenser le manque à gagner pour leurs actionnaires. Pis encore, elle ne prévoit rien sur les "hedge funds" et les fonds spéculatifs, qu'on voit, par exemple, en ce moment à l'oeuvre contre la Grèce et l'euro. Autrement dit, inopérante sur les maux connus, on voit mal comment elle pourrait prévenir la prochaine crise. D'autre part, cette taxe sur les banques n'est pas destinée à financer les urgences sociales et écologiques, puisqu'elle sera mise en réserve pour préparer de prochains sauvetages. Son montant sera de dix à vingt fois inférieur à celui d'une taxe Tobin sur l'ensemble des transactions financières : pas de quoi inquiéter l'industrie de la finance, ni amorcer une redistribution des revenus.

Pourtant, Gordon Brown, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy avaient fait ces derniers mois des déclarations favorables à une taxe Tobin élargie à l'ensemble des transactions financières (l'économiste et prix Nobel James Tobin l'avait conçue pour les transactions portant sur les devises). En novembre à Londres, le patron du FMI, Dominique Strauss-Kahn, d'abord déclaré hostile à une telle taxe, avait lors du congrès du CBI, le Medef britannique, tenu des propos moins tranchés. Des signaux encourageants, alors que le FMI planche sur un rapport sur la taxation de la finance qu'il doit présenter en juin au G20 de Toronto.

Le silence du gouvernement français face à la proposition du FMI et des Etats-Unis est inquiétant, et passe pour un renoncement à une taxe plus ambitieuse. Nicolas Sarkozy et Dominique Strauss-Kahn jouent pourtant un rôle clé dans ce débat. En défendant ou en consentant à ce projet, ils soutiennent un mirage qui donnera l'impression de s'en prendre aux dérives de la finance mondiale sans, en fait, remettre en cause son pouvoir ni dégager des ressources budgétaires cruellement nécessaires. Le temps presse. MM. Strauss-Kahn et Sarkozy, refusez une taxe au rabais !

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Commentaire 1
à écrit le 11/03/2010 à 12:07
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C'est simple, nos dirigeants sont des crocodiles! Grandes gueules et petits bras! Beaucoup d'effets d'annonces, mais un vide sidéral derrière! C'est ce qu'on appelle de la politique spectacle! Alors leur demander de prendre des décisions de bon sens ...

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