L'Amérique renforcée par la crise

La crise, américaine, aurait pu affaiblir l'Oncle Sam. Il n'en est rien. L'Amérique sort de la crise plus vite que l'Europe. Plus forte aussi. L'explication n'est pas qu'économique, elle est aussi psychologique. L'analyse d'Erik Izraelewicz, directeur des rédactions de La Tribune.

L'Amérique est de retour. Déjà. La crise y a trouvé, il y a trois ans, son origine - c'était, à l'été 2007, le krach des « subprimes ». Si la sortie de crise y est engagée, comme en ont témoigné de nombreux indices ces derniers jours, elle n'est pas encore véritablement achevée. On s'interrogeait, au départ, pour savoir si cette crise n'était pas celle qui allait signer le début du déclin de la puissance américaine. On est plutôt amené à se demander aujourd'hui si elle n'aura pas, en définitive, contribué bien davantage à renforcer l'Amérique.

Une résurrection précipitée

Le constat tout d'abord. Le rebond de l'économie américaine est à la fois plus rapide et plus violent qu'attendu. Les prévisions de la Maison-Blanche, du FMI ou de l'OCDE abondent toutes dans le même sens. Après deux ans d'une récession qui y a finalement été moins dure qu'en Europe, les États-Unis devraient connaître en 2010 une croissance proche de 3 % - trois fois plus que le Vieux Continent ! Dès mars 2010, la job machine s'y est remise en marche, ce qui n'est pas encore le cas dans les pays européens. La crise laisse, bien sûr, sur l'économie américaine de douloureux stigmates - un chômage proche de 10 % de la population active, une dette publique qui approchera à terme l'équivalent d'une année de PIB, des secteurs économiques dévastés ou sous tutelle étatique... Il n'empêche : gouvernement, banque centrale et instituts privés conviennent d'une sortie de crise en bonne voie, d'une rechute peu probable également.

Au-delà de l'aspect conjoncturel, la crise n'a pas empêché l'Amérique de rester le principal centre d'innovation de la planète. Le succès mondial de l'iPad en est l'une des illustrations. Les États-Unis ont renforcé leur domination dans des secteurs clés comme... la finance où la concentration des acteurs et les hésitations réglementaires ont contribué à l'émergence de nouveaux acteurs plus puissants encore qu'auparavant. Wall Street, la Fed et le dollar restent les phares incontestés de la planète finance. L'Amérique d'Obama a poursuivi, avec la réforme de son système de santé, l'adaptation de son logiciel au monde nouveau. Face à la Chine, la puissance en devenir, elle a certes accusé le coup. Une Europe qui stagne, une Amérique qui redémarre, une Asie qui galope : le fossé entre les deux derniers continents a continué à se réduire. Il reste encore très profond. Comme le dit le Nobel d'économie Joseph Stiglitz, les États-Unis resteront encore, pour une bonne vingtaine d'années, au moins la grande puissance économique mondiale.

La fameuse « résilience » en guise d'explications

Pour expliquer la vigueur de ce rebond US, on invoque généralement d'abord la réactivité et le pragmatisme des dirigeants américains - ceux de la Maison-Blanche et ceux de la banque centrale. Les plans de relance qu'ils ont mis en oeuvre ne se distinguent pourtant pas fondamentalement, par leur importance relative, de ceux engagés dans les autres grands pays développés. Idem pour la politique monétaire. Tout juste ont-ils été peut-être les uns et les autres un peu plus habiles, dans le timing. Autre explication de cette divine résurrection, la fameuse thèse de la « résilience » de l'économie américaine. Celle-ci démontrerait, après chaque choc, une capacité exceptionnelle à repartir, à retrouver un rythme proche de son potentiel de croissance - autour de 3 % l'an. On l'avait vu après l'explosion de la bulle Internet de 2001. On le revoit aujourd'hui. Cette « résilience » s'explique notamment par la plus grande flexibilité du système dans son ensemble, de celle de son marché du travail en particulier mais aussi de son appareil productif. Ce dernier a su se réorienter rapidement vers les marchés porteurs, se réorienter sur les rives du Pacifique plutôt que sur celles de l'Atlantique. De fait, comme le fait remarquer Patrick Artus, la structure actuelle des exportations américaines a été profondément transformée ces dernières années : 57 % sont désormais réalisées sur les marchés émergents, ce qui permet aujourd'hui à l'Amérique de tirer un meilleur parti de la reprise dans ce monde-là que les pays européens notamment.

Une confiance invétérée dans l'avenir

Ces facteurs - les politiques macroéconomiques et la flexibilité des marchés - ont leur part dans l'explication du spectaculaire rebond américain - en comparaison surtout avec la morose sortie de crise européenne. Il en est un autre qui a son poids, c'est le facteur psychologique, cette confiance invétérée qu'ont les Américains dans l'avenir. Là-bas, on dit « après la pluie, le beau temps » - après la crise, la reprise. De fait, en le croyant, on la favorise. Ici, en Europe, on a malheureusement plutôt tendance à penser : « Après la pluie, la pluie. » Après la crise, la re-crise. L'affaire grecque en est une belle illustration.

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