Retraite  :  où sont les jeunes  ?

Par sgherardi@latribune.fr  |   |  372  mots
Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

Une part essentielle de notre pacte social est discutée à partir de cette semaine à l'occasion de la concertation sur les retraites. Les partenaires arrivent hérissés d'interdits : touche pas à l'âge de la retraite, disent les principaux syndicats ; touche pas aux cotisations, disent les représentants patronaux ; touche pas au montant des pensions, dit le gouvernement. Eric Woerth (54 ans) a reçu hier les chefs des cinq syndicats représentatifs des salariés (51, 53, 54, 57 et 60 ans), et ceux des trois organisations patronales (51, 62 et 65 ans).

Pourquoi mentionner l'âge des capitaines ? Simplement parce que, dans les négociations qui s'ouvrent, les principaux payeurs, numériquement parlant, ne sont pas représentés. Où sont les générations des 20, 30, 40 ans ? Pas au pouvoir, en tout cas. Or, ce qui va se décider va influer sur leur pouvoir d'achat, la durée de leur vie professionnelle et leur propre perspective de retraite. Qui défendra leurs intérêts ? La République, rétorquera-t-on, ne connaît pas de catégories, mais des citoyens qui seront tous traités avec équité. Ouais. A voir comment fonctionne la société depuis vingt ans, les jeunes générations ont des raisons de se méfier. La précarité, c'est pour elles, le chômage, c'est pour elles, les prix exorbitants du logement, c'est encore pour elles.

Les syndicats ne défendent pas les jeunes pour l'accès au marché du travail, pourquoi les défendraient-ils dans la réforme des retraites ? Les entreprises, grandes pourvoyeuses de stages gratuits et de CDD à rallonge, idem. Le gouvernement, idem. Il faudrait, comme la République romaine avait ses tribuns de la plèbe pour protéger ceux qui n'avaient pas de représentants au Sénat ou dans le patriciat, instaurer des tribuns des jeunes générations. Il est vrai que la plèbe avait obtenu qu'on lui donne des tribuns après une grave crise, en 494 avant notre ère : menacés d'esclavage pour dette, les plébéiens révoltés avaient quitté la ville et s'étaient retirés sur le mont Sacré. 2.500 ans plus tard, notre République n'a peut-être pas besoin d'attendre une révolte des jeunes pour prendre leur parti.