Monument en péril outre-Manche

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Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

Avec sa tête de gendre idéal, Nick Clegg est un dangereux "dinamitero" (sa femme est espagnole). Dans ses négociations avec les deux grands partis pour former une coalition, il demande un référendum sur le mode de scrutin britannique. Il veut que le royaume renonce au "First past the post", qui signifie "le premier arrivé au but gagne" mais que le Français traduit lourdement par "scrutin majoritaire à un tour".

Bon, c'est vrai qu'avec 23% des suffrages les "lib-dems" n'ont obtenu que 10% des sièges aux élections du 6 mai. Mais cela leur donne-t-il le droit de détruire ce monument historique remontant au XIIIème siècle, ce mode de scrutin qui a façonné la démocratie britannique ? Nos voisins anglais n'abusent pas de la réforme électorale. En 1832, ils ont supprimé les "bourgs pourris", ces circonscriptions où il ne restait parfois aucun électeur. En 1889, ils ont généralisé la circonscription à un siège. En 1949, ils ont supprimé des survivances comme ces douze sièges parlementaires réservés aux universités, dont les diplômés pouvaient voter deux fois, l'une dans leur lieu de résidence, l'autre dans leur "alma mater".

Mais leur scrutin, qui garantissait depuis presque neuf siècles qu'un camp l'emporte nettement sur l'autre et vouait les autres forces à la marginalité, ils n'y avaient jamais renoncé. Guerres civiles, peste, Invincible Armada, révolution, régicide, Blitz, décolonisation, divorce du prince Charles : le Royaume-Uni a tout traversé sans céder aux sirènes de l'éparpillement et de l'affaiblissement du pouvoir. Et voilà qu'un beau gosse en bras de chemise propose de tout faire sauter. Grands-Bretons, ressaisissez-vous ! Sinon vous finirez par ressembler à des Continentaux.