Les sept leçons de la crise grecque

Analysant les défaillances de la zone euro révélées par la crise grecque, les trois sénateurs estiment qu'elle met aujourd'hui l'Europe au pied du mur. Pour eux, le combat actuel est celui de la confiance qu'elle inspire. Le temps est venu de franchir une étape décisive en acceptant le combat et les sacrifices qui vont avec, y compris en termes d'abandon de souveraineté. Reste à trouver les bons mécanismes.

Que nous enseigne la crise grecque ? La première leçon est que le choix, sans équivalent au monde, ni dans l'histoire, d'une monnaie sans État, exigeait au minimum de disposer d'un règlement de copropriété de la monnaie unique - le pacte de stabilité et de croissance -, associé à une solidarité forte entre États membres qui joue dans les deux sens : une solidarité de tous envers un État en difficulté, et une solidarité de chacun envers les autres. "Un pour tous et tous pour un", la devise, ancienne, s'applique aussi à la nouvelle devise.

Deuxième leçon : n'est-il pas irresponsable, lorsque l'on crée une nouvelle monnaie, de se contenter d'une bonne trajectoire ? Il est si rassurant de dire qu'on a été berné, en omettant d'avouer qu'on a été complice des faux comptes publics de la Grèce. Pourtant, cela fait des années que la Cour des comptes européenne dénonce "les évaluations défaillantes" des statistiques du PNB grec. Souvent accusée d'être en panne de projets, l'Europe avait, avec l'euro, son plus beau symbole. L'Eurozone voulait s'étendre au sein de l'Union, rayonner au dehors, sans vérifier si le socle était solide. L'adhésion de la Grèce à l'euro ne fut acceptée, en dépit d'un niveau d'endettement excessif, que parce que la trajectoire du pays vers l'assainissement des comptes était jugée bonne. L'application du principe de précaution aurait justifié de reporter son adhésion.

Troisième leçon : la crise est aussi une crise de leadership. Admettons, sans heurter nos partenaires, que la France a eu ce rôle pendant la crise, mais qu'elle est aussi, dans sa situation budgétaire, moins bien placée dans la présente crise monétaire. Il est irresponsable d'opposer la France solidaire et l'Allemagne égoïste. L'Allemagne a toujours beaucoup donné à l'Europe, ne serait-ce que par sa contribution au budget, la plus importante de tous les États membres. Mais reconnaissons que l'Allemagne, pourtant la plus fiable sur le sujet, n'a pas pris le leadership qu'elle était seule à pouvoir prendre. Dans la tempête, il faut un capitaine, pour le bien de tous.

Quatrième leçon : la Grèce a pu croire que l'"euro bouclier" la libérait des contraintes. Ceux qui veulent participer à l'euro ne peuvent jouer cavalier seul et doivent s'astreindre à l'autodiscipline.

Cinquième leçon : les délais de réaction de l'Europe ont été critiqués. Cette critique doit être nuancée. L'Europe n'est pas un guichet automatique qu'il suffit de solliciter. À 500 milliards d'euros, il n'est pas anormal que les bailleurs de fonds aient pris un peu de temps. Car le cas grec sert de référence. Ce délai, nécessaire pour la Grèce, permettra d'aller plus vite demain, si, d'aventure, la contagion se produisait. C'est bien le cas avec le plan de soutien européen, à la fois réactif et prospectif.

Sixième leçon : les États, pas plus que les citoyens, ne peuvent vivre au-dessus de leurs moyens, en laissant glisser la dette et les salaires, et faire abstraction de leur environnement. La dérive des finances publiques se paye au prix fort. Le pacte de stabilité a été mis entre parenthèses. Elles doivent se refermer au plus vite.

Septième leçon : la non-assistance à partenaire en danger se traduirait par l'éclatement de l'Eurozone, c'est-à-dire la fin du projet européen, car aucune politique commune ne serait crédible après un tel échec. L'Union doit avancer, "s'intégrer davantage ou se désintégrer", selon l'expression d'un éditorialiste allemand. Cela passe par un pacte de stabilité refondu, alliant la réactivité et la discipline, avec des critères et des sanctions, préalable à un gouvernement économique européen. La mutualisation des aides doit s'accompagner de la mutualisation de la surveillance. La mise sous tutelle d'un État défaillant ne doit pas être exclue d'emblée. Le Sénat, représentant des collectivités territoriales, sait bien que la chose est possible lorsqu'une commune ne peut faire face à ses engagements. Par qui et sous quelle forme ? Il faudra choisir les bonnes institutions et, surtout, les bons mots. Soumission ? Droit de veto, droit de regard, échange d'informations ? Prenons le temps de choisir, ensemble, avec nos partenaires, car, en politique, un mauvais terme peut anéantir une bonne idée. Mais, quelle que soit l'issue, les Parlements nationaux doivent prendre toute leur place dans ce dispositif.

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