Peut-on encore éviter un plan de rigueur en France ?

Si l'évocation d'un plan de rigueur n'a jamais été très populaire en France, celui-ci est bel et bien inévitable. Parce que la croissance de l'économie en volume est inférieure aux taux d'intérêt à long terme, parce que la menace d'une dégradation de la notation doit être prise au sérieux, enfin parce que, à moyen terme, l'aide apportée à la Grèce va nécessairement dégrader les comptes de la France.

Le 22 septembre 2007, le Premier ministre, François Fillon, affirmait, lors d'une visite en Corse : "je suis à la tête d'un Etat qui est en situation de faillite." Cette petite phrase, lâchée trop rapidement, avait suscité à l'époque de très vives réactions, conduisant le Premier ministre à atténuer la portée de ses propos, tout en apportant la précision qu'il se faisait fort de ramener le budget de l'Etat à l'équilibre avant la fin du quinquennat. Or, en 2007, le déficit budgétaire de la France était de 2,7% du PIB et le taux d'endettement de 63,8%. Moins de trois ans plus tard, son déficit atteint 7,5% et sa dette 78% du PIB.

Cette situation soulève en fait trois questions : la situation financière actuelle de la France est-elle soutenable dans le temps ? Comment un pays peut-il obtenir des agences de notation la meilleure note, alors que se profile un plan de rigueur ? Comment peut-il voler au secours de la Grèce et peut-être d'autres pays, alors qu'il s'estime lui-même en difficulté ?

Première question : la situation de la France est-elle soutenable ? Il ne faut pas confondre le mot "faillite" avec celui de "soutenable". Un Etat est en faillite quand il lui est impossible de faire face à ses engagements quand bien même il entreprendrait des ajustements budgétaires nécessaires. La France n'est pas dans cette situation. Pour autant, la situation de ses finances publiques n'est pas soutenable dans la mesure où l'accumulation de sa dette publique pourrait conduire, sans changements majeurs, à une situation de faillite.

En combinant le taux d'intérêt à long terme, le taux de croissance du PIB, le taux d'inflation annuel, le niveau annuel du déficit budgétaire et le taux d'endettement du pays, on comprend que sa situation n'est tout simplement pas tenable dans la durée. En particulier parce que le coût de la dette à long terme, à savoir les taux d'intérêt après inflation, étant supérieur au taux de croissance de son PIB. En 2009, avec un PIB en recul, le différentiel a même atteint -5,8%, conduisant à un déficit budgétaire considérable et à une montée explosive de la dette publique, de plus de 10 points de PIB en un an ! Le plan de rigueur annoncé le 6 mai dernier par le Premier ministre est donc bel et bien inévitable. Ce n'est que si la croissance était supérieure au coût de la dette, que l'amorce d'un désendettement serait envisageable.

La deuxième question découle de la précédente. Que peut perdre la France dans le cadre d'une politique budgétaire jugée non "soutenable" ? Une chose et une seule : la crédibilité. Aujourd'hui, la France est notée AAA par les agences de notation. Ce qui fait dire à certains qu'il n'est pas péril en la demeure. C'est inexact. C'est dans les semaines à venir que la France devra envoyer des signaux favorables aux marchés financiers d'une politique de redressement des comptes. Cette politique de rigueur concernera les dépenses mais aussi les recettes, ce qui est un problème spécifique à la France. La France pourra-t-elle, sans changement politique budgétaire majeur, faire face à ses engagements ? Si des doutes s'insinuent sur cette capacité, la notation de la France peut s'en trouver dégradée. La conséquence ? Le coût du refinancement pour la France ne sera plus de 3,5% mais de 1 à 2 points de plus. Sur une dette de 1.500 milliards d'euros, c'est catastrophique.

La troisième question, enfin, porte sur le plan de sauvetage de la Grèce. Ce plan va-t-il aggraver la situation financière de la France ? Tout dépend du temps que nous offrent les marchés. A brève échéance, l'aide apportée à la Grèce va nécessairement dégrader les comptes de la France. Sur le moyen terme, la réponse est inverse car le taux d'intérêt du plan de sauvetage est supérieur au coût du refinancement actuel de la France. Mais nous le voyons bien, le temps ne joue pas en faveur de l'Europe et de la France en particulier.

Les semaines qui vont venir sont donc cruciales. Le plan de rigueur est inévitable. Pour être accepté et être appliqué, ce dernier devra être établi sur des bases justes et équitables. En clair, concerner tous les acteurs.

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