Pas de croissance sans confiance

A l'occasion de la remise de son prix Olivier Lecerf, décerné par l'Académie des sciences morales et politiques, qui récompense un patron performant et humaniste, Xavier Fontanet lance un appel pour libérer les forces vives du monde de l'entreprise, véritable créateur de richesses. Encore faut-il restaurer la confiance et surmonter une peur irraisonnée de la mondialisation.

L'un des effets déroutants d'un monde désormais ouvert, et qui bouge à vive allure, est qu'il modifie en permanence les règles du jeu en fonction des circonstances. Cette apparente instabilité - processus accéléré du fameux principe de Schumpeter sur la destruction créatrice - donne le sentiment que les Etats, auparavant protecteurs, ne maîtrisent plus complètement leur destin ; certains mécaniquement s'affaiblissent quand d'autres grandissent. Dès lors, le ressort des entreprises qui tiennent et croissent dans la crise devrait être un repère pour tous.

Permanence de son action. Aucune stratégie ne se conçoit sans le temps et les moyens, financiers et humains, nécessaires à son application. Car l'entreprise s'adapte au fur et à mesure à son environnement et les critères efficaces en Asie ne sont pas les mêmes en Amérique latine ou en Europe. Permanence de son organisation. Les entreprises ont le devoir d'être avant tout pragmatiques pour être efficaces. Ce qui leur impose de ne pas être prisonnières d'une quelconque idéologie ou de principes rigides et donc d'abolir tous rapports de force entre les individus ; ce qui ne veut pas dire qu'il faut faire fi des hiérarchies et des responsabilités qui vont avec. Permanence enfin, de ses valeurs. Eléments indispensables pour offrir les repères dont nous avons tous besoin afin de nous situer dans la société dont nous faisons partie et par rapport aux autres. Ces valeurs - que chaque entreprise définit selon son histoire ou la nature de ce qu'elle fabrique - sont le ciment qui permet à un groupe de personnes de partager librement la même aventure et d'être efficace.

On le sait, de tous les grands pays développés, la France est le seul à refuser aux deux tiers de l'opinion l'économie de marché.

Surprenante attitude qui ne peut s'expliquer que par la peur de l'inconnu que provoque une mondialisation à laquelle pourtant tous les grands pays adhèrent, conscients qu'il y a bien plus à gagner qu'à perdre. Depuis près de vingt ans, les salariés d'Essilor ont accompagné cette ouverture au monde, confiants dans leurs capacités. Et ils ont magnifiquement réussi, multipliant le volume des ventes par 7 et le cours de Bourse par 40. Et ce que nous avons fait, de Lafarge à BNP Paribas, de Schneider à Danone, de L'Oréal à Air Liquide, tous les grands groupes français l'ont réalisé, permettant à la France d'être le pays qui, avec les Etats-Unis, compte le plus de sociétés parmi les leaders mondiaux. Et même de plus petites, qui ont su adapter leurs produits pour les exporter, se portent bien malgré la crise.

Cette mondialisation, qu'on le veuille ou non, va aller en s'accélérant. Aujourd'hui la Chine, l'Inde et le Brésil. Demain l'Indonésie, la Russie, l'Argentine et l'Afrique du Sud... Dans le siècle qui s'ouvre, tous les créneaux, quelles que soient leur taille ou leur nature, vont devenir mondiaux. Et bien plus rapidement qu'on ne l'imagine grâce aux facilités de transport et de communication. Nos grandes entreprises, que l'on devrait soutenir au lieu de les fustiger comme on le fait un peu trop facilement, sont l'avant-garde d'un mouvement qui sera notre prospérité demain, pour peu que nous ayons confiance en nous et libérions les énergies qui nous habitent.

Pour ce faire, il est aussi indispensable que l'État pèse beaucoup moins sur les entreprises et les citoyens. Plus de 56% du PIB consacrés aux dépenses publiques suppriment toute marge de manoeuvre. La conséquence est un redémarrage bien plus lent qu'ailleurs, parce que nous sommes bien plus gras. Des pays comme le Canada ou la Nouvelle-Zélande se sont réformés rapidement et, passée une courte et dure période, le chômage y est bien moindre que chez nous. Les emplois publics ont été largement compensés par des emplois privés, créateurs de richesses. Ils ont réussi leur adaptation au monde avec brio.

Pourquoi pas nous ? Alors, allégé de ces contraintes, le principal défi du management sera de donner confiance en ses troupes. Associer tous les salariés à la stratégie, en étant pédagogiques et sincères. Les associer également au capital quand cela est possible et agir en toute transparence. C'est la seule voie pour transformer cette peur qui nous paralyse en une énergie qui nous donne des ailes.

Dans ce monde ouvert, l'équation est désormais simple : sans confiance, pas de croissance.

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