Marchés : gare aux mirages de la régulation

Par Stuart Fraser, président des politiques de la City of London Corporation.

Depuis de nombreux mois, j'ai, avec beaucoup d'autres dans l'industrie des services financiers, averti le gouvernement britannique que tout changement dans notre système réglementaire devait être soutenu par un large - voire complet - consensus européen. Et je crois que l'expérience du gouvernement allemand, suite à sa décision d'imposer une interdiction unilatérale des ventes à découvert nues, montre pourquoi agir seul est un chemin dangereux. Non seulement l'interdiction a échoué dans son objectif, mais elle a même empiré la situation, accentuant l'incertitude du marché et provoquant une chute brutale de l'euro, les banques et les gérants de fonds réagissant rapidement pour tenter de consolider leur position.

Les investisseurs internationaux s'inquiètent de ce que le refus de réaliser des "tests de stress" des banques européennes ne vienne du fait que les hommes politiques savent quelque chose qu'ils ne veulent pas dévoiler. Et ces suspicions de manque de transparence sont renforcées quand les mêmes hommes politiques tentent de gérer les marchés via un certain nombre d'interdictions d'activités ou d'instruments financiers. De telles actions reviennent à tenter d'éteindre le système d'alarme quand un avion se rapproche du sol parce que son bruit est agaçant.

Alors que l'euro continue à chuter depuis le début de la crise de dette souveraine grecque, la France et l'Allemagne appellent à une interdiction dans toute l'Europe des ventes à découvert et des CDS souverains ("credit default swaps" sur la dette souveraine).

Chacun sait que les observateurs internationaux considèrent ces décisions plus comme une réponse à des questions de politique intérieure qu'à une raison de fond. Même le régulateur allemand, la Bafin, estime que les pratiques qui sont visées par l'interdiction n'ont joué qu'un rôle négligeable dans la crise. Les acteurs qui jouent sur les marchés, comme l'industrie des hedge funds, sont des cibles faciles, particulièrement parce qu'ils sont très peu présents dans les deux pays d'où provient la demande d'interdiction. On s'interroge de savoir si la réponse aurait été la même si Paris, Berlin ou Francfort, au lieu de Londres, avaient été la base de 80% de l'industrie des hedge funds de l'Union européenne.

Bien que l'Allemagne soit un partenaire clé du Royaume-Uni, de même que tous les autres membres de l'Union européenne, et bien qu'il soit tout à fait dans notre intérêt que l'euro prospère, cela ne sert à rien d'introduire de nouvelles règles en Europe si cela n'est pas répliqué au niveau mondial.

Les hommes politiques européens de haut niveau ont jusqu'à présent refusé d'agir dans la précipitation. Le président du Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières (connu sous le sigle anglais CESR) a affirmé à la presse : "l'interdiction à l'allemande des ventes à découvert n'est pas totalement exclue, mais elle n'est pas non plus envisagée." Pendant que l'Allemagne et la France poussent pour une action rapide, la commission a, avec raison, choisi une approche plus mesurée et va lancer une consultation sur les mesures opportunes pour limiter les ventes à découvert dans l'Union européenne. Les propositions éventuelles ne viendront qu'en septembre.

Même des pays comme la Belgique, qui ont exprimé un intérêt pour l'initiative allemande, attendent fort justement de voir ce qui pourrait être proposé au niveau européen. Et ils ont raison. Car ces mesures auront des larges conséquences, certaines même inattendues, et ce dans la durée. Ce qui nécessite d'y réfléchir attentivement, et non de réagir de façon épidermique.

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