Toronto : un véritable G20 de combat

Par Olivier Pastré, professeur à l'université Paris VIII.

Le prochain sommet des vingt plus grandes puissances mondiales pour le 26 juin au Canada constitue une étape historique pour la planète financière. Après presque trois ans de crise, si des réformes de grande ampleur ne sont pas actées à Toronto, il est à craindre qu'une nouvelle crise financière succède à celles qui ont éclaté après la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008 ou après celle de la Grèce au début de cette année.

Certes, quelques évolutions poussent à un certain optimisme : une inflation faible, une liquidité abondante, des pays émergents toniques pour la plupart, des grandes entreprises encore rentables, des banques centrales réactives... Nous ne sommes donc pas en 1932 ! Mais il reste de vraies hypothèques sur l'avenir : une croissance qui sera durablement molle au Nord, une grave crise de l'emploi (qui peut, à tout instant, se transformer en une crise politique) qui touche, chaque trimestre, de nouveaux secteurs, un Barack Obama dont la volonté réformatrice se heurte aux atermoiements électoralistes de son Congrès. Et, surtout, une planète Finance qui ne semble pas avoir retenu les enseignements des tsunamis qu'elle a provoqués et qui recommence à céder, avec délectation, à ses démons les plus noirs.

En novembre 2008, nous avions applaudi des deux mains la réunion du premier G20 - obtenue au forceps par Nicolas Sarkozy, alors président de l'Union européenne. Ce premier G20, tenu à Washington, permettait, en effet, d'associer enfin à la gouvernance mondiale les pays les plus créateurs de richesse - les pays émergents - laissés jusque-là à la porte des impuissants G8. Le bilan des trois premiers G20 n'en est pas moins "globalement négatif". Le premier - et c'est normal - a été le théâtre de vertueuses mais inopérantes déclarations d'intention. Le G20 de Londres en mars-avril 2009 avait fait naître certains espoirs en traitant - pour partie, et pour partie seulement - trois "sujets qui fâchent" (les ressources du FMI, les bonus des "traders" et les paradis fiscaux). Malheureusement, le soufflé est retombé à Pittsburgh, en septembre 2009, puisqu'aucune décision concrète n'est sortie de ce sommet. C'est cela qui donne toute son importance au G20 de Toronto.

Si celui-ci "accouche d'une souris" réglementaire, il y a fort à parier que les marchés financiers considéreront que l'on est entré dans l'ère du "business as usual". Et, dès lors, les mêmes causes produisant les mêmes effets, de nombreux Lehman Brothers et de nombreuses Grèce se retrouveront, en file indienne, au portillon de la mise en faillite. Il est au moins onze chantiers de régulation financière - certains plus techniques mais tout aussi politiques - qui n'ont, à ce jour, pas véritablement avancé dans le cadre du G20. Au niveau microéconomique - celui des entreprises - les chantiers du renforcement intelligent des fonds propres des banques et de la standardisation des produits de titrisation.

Au niveau mésoéconomique - celui des métiers - les chantiers des "hedge funds", des agences de notation et des marchés de gré à gré. Au niveau macroéconomique enfin, les chantiers de la coordination internationale des politiques monétaires, de celle des politiques budgétaires, de la lutte contre le protectionnisme, de la coordination des superviseurs bancaires, de la révision des normes comptables et de celle des normes prudentielles (Bâle III et Solvency II). Onze chantiers. Presque autant que les travaux d'Hercule !

Il ne reste plus que quelques jours pour convaincre les Américains de mettre un terme à leur isolationnisme réglementaire. C'est leur intérêt autant que le nôtre. Si l'on n'arrive pas à faire de Toronto un G20 de combat contre les dérèglements de la finance, il faut s'attendre au pire. Pas seulement pour nos enfants. Pour nous aussi.

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