Pas de régulation sans nationalisation des banques

La crise a conduit à une nationalisation de droit du système bancaire, déjà nationalisé de fait en vertu du principe "trop gros pour faire faillite". Les banques de dépôt doivent rester sous le contrôle permanent de l'Etat, garant de l'ordre monétaire. En revanche, les autres banques pourraient relever de la responsabilité du secteur privé et les risques être assumés par les actionnaires.

La nationalisation - instrument d'intervention au service de la politique économique - est légitime quand un secteur d'activité est fondamental pour la vie, voire la survie de la communauté nationale. Au plan financier, la crise, révélatrice du risque systémique dû au décloisonnement de tous les marchés et à l'intégration de tous les acteurs par le marché interbancaire, a conduit à la nationalisation de banques en droit alors qu'elles l'étaient déjà en fait en vertu du principe "too big to fail" (trop grandes pour faillir).

C'est ce qui s'est passé dans des pays aussi libéraux que les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne, où l'Etat a dû transférer du secteur privé au secteur public le contrôle de grandes banques en prenant des majorités qualifiées dans leur capital. Mais aussi parce que, gardiennes des avoirs monétaires qui leur sont confiés par les déposants et qui constituent de nos jours la quasi-totalité de la masse monétaire, les banques doivent être sous le contrôle permanent de l'État, garant constitutionnel de l'ordre monétaire élément central de l'ordre social.

En revanche, les autres banques, non collectrices d'avoirs monétaires, mais participant au financement de l'économie à partir des ressources des marchés, doivent demeurer de la responsabilité pleine et entière du secteur privé avec les risques que doivent assumer seuls leurs dirigeants et leurs actionnaires. Lors des grandes lois de nationalisation au lendemain du second conflit mondial, le général de Gaulle avait bien fait la distinction puisque seules les grandes banques de dépôt dont la vocation est de financer les flux de l'activité économique avaient été nationalisées, alors qu'il s'était fermement opposé à ce que les banques d'affaires destinées à promouvoir le financement des actifs productifs des entreprises le soient.

Le développement de la sphère financière au cours du dernier quart de siècle a conduit les autorités à se porter au secours de l'ensemble du système tandis que seuls les acteurs financiers - le système bancaire de l'ombre - s'étaient révélés défaillants par leur expansion non maîtrisée. L'ordre monétaire n'aurait pas dû être perturbé par les désordres financiers.

D'ailleurs, les grandeurs caractéristiques des deux mondes - celui de la monnaie et celui des marchés - sont sans commune mesure.

Ainsi, en France, la masse monétaire représentait il y a cinquante ans la moitié de la richesse annuelle produite (les flux), laquelle était égale à la richesse accumulée (les stocks). Les rapports entre les stocks et la monnaie étaient donc de deux à un. Aujourd'hui, la masse monétaire représente toujours la moitié de la richesse produite. En revanche, le montant de la richesse accumulée en actifs représente cinq fois la richesse produite. Les rapports sont passés de dix à un. D'où, dès qu'il y a tempête sur les marchés financiers, il y a mécaniquement ouragan dans celui de la monnaie si une muraille de Chine n'est pas érigée entre ces deux mondes.

En définitive, au sein du système bancaire, coexisteraient en poids les grands groupes bancaires nationalisés (85%) par la transformation de leurs actions ordinaires en actions à dividende prioritaire, les banques étrangères (10%) par définition sous la tutelle de leur siège à l'extérieur et enfin les banques privées (5%) qui auraient vocation à le rester, d'autant plus que dans la bourrasque financière elles ont été exemplaires par leur comportement. L'on pourrait même imaginer que les grands groupes bancaires nationalisés puissent librement s'autoprivatiser, tout simplement en se scindant en plusieurs entités totalement indépendantes et de taille inférieure au critère de "too big to fail", afin de limiter l'effet de dominos en cas de défaillance.

Certes, il est possible de procéder à une autre approche de la régulation financière. C'est celle que tentent les autorités politiques et de régulation lors des grands rendez-vous, comme le G20. Mais la prolifération de nouveaux produits et de nouveaux acteurs rendent la tâche impossible. Mettons par conséquent les banques commerciales face à leurs responsabilités monétaires.

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