Climat : aidons la société civile à agir

Par Frédéric Benhaim et Nicolas Gardères. Respectivement coprésident et avocat et vice-président d'Entreprendre Vert.

Copenhague fut globalement dénoncé comme un échec et Cancun (Mexique) du 29 novembre au 10 décembre se présente mal : pas d'accord juridique contraignant en vue ni d'engagement de réduction cohérent avec un réchauffement contenu à 2 degrés. Par ailleurs, la loi énergie-climat américaine ne pourra être votée en 2010. Il n'y aura probablement pas de véritable traité signé à l'issue de Cancun.

Quand la stratégie par la diplomatie et les États échoue, il convient alors de miser autant que possible sur les acteurs locaux et la société civile, dont les entreprises (entreprises classiques et social-business). Or, le secteur privé a besoin de sécurité juridique et d'une incitation économique stable pour s'engager durablement dans les différents champs de l'économie verte?: énergies renouvelables et efficacité énergétique (dont les réseaux électriques intelligents ou "smart grid"), valorisation des déchets, agriculture biologique, mobilité propre et demain biodiversité...

Les conditions minimales de constitution de nouveaux marchés viables ne pouvant venir que de la régulation étatique, force est de constater que les gouvernements français portent une lourde responsabilité dans le retard de notre pays par rapport à ses voisins. À titre de comparaison, le Portugal est passé en cinq ans de 17% à 45% d'électricité d'origine renouvelable en s'appuyant sur les entreprises, devenant exportateur net et créant des dizaines de milliers d'emplois.

La question des énergies renouvelables, centrale dans le contexte de lutte contre le réchauffement climatique, est particulièrement représentative de ce manque de volontarisme. En effet, à un marché déjà particulièrement étroit du fait de l'omnipotence de l'énergie nucléaire et de son lobby, vient s'ajouter un cruel manque de stabilité du cadre réglementaire (voir le cas de la filière éolienne, quasiment assassinée dans la loi Grenelle II, soumettant les éoliennes au contraignant régime d'autorisation des installations classées prévu par le Code de l'environnement), de la fiscalité (création d'une imposition forfaitaire pour les producteurs d'électricité d'origine renouvelable par la loi de finances pour 2010), des tarifs de rachat d'électricité par EDF (baisse drastique des tarifs de l'énergie photovoltaïque début 2010 et au 1er septembre 2010) et même des crédits affectés à la recherche et donc d'anticipation.

Au lieu de traîner les pieds en se reposant sur sa technologie nucléaire, la France aurait pourtant tout intérêt à anticiper une remise en cause de ce monopole en pariant dès aujourd'hui sur le développement des énergies renouvelables, incomparablement plus dynamisantes pour l'emploi et le secteur privé.

Pour permettre l'extension et la pérennisation de ce marché, il conviendrait déjà de stabiliser le cadre réglementaire à un niveau raisonnable de contrainte, suffisant pour garantir les intérêts protégés par les droits de l'environnement et de l'urbanisme mais suffisamment souple pour ne pas décourager les entrepreneurs. Ensuite, les tarifs de rachat d'électricité doivent être élevés, garantis sur de longues périodes et étendus aux nouvelles technologies (par exemple l'éolien de petite dimension). Une fiscalité plus incitative pourrait aussi être mise en place et favoriser les projets énergétiques locaux (dont les coopératives). Par ailleurs, les crédits de recherche devraient aller prioritairement vers les énergies renouvelables au lieu de se focaliser aujourd'hui encore sur le nucléaire. Enfin et afin de mieux partager les bonnes pratiques et d'anticiper le développement des nouvelles technologies vertes, une plate-forme d'échanges pourrait être mise en place regroupant chercheurs, universités, grandes écoles, associations écologistes, financeurs et représentants du gouvernement. Ce dispositif national pourrait être utilement complété d'une méthode ouverte de coordination au niveau européen.

Dans le contexte d'urgence climatique et de relative faillite du système interétatique, il est ainsi essentiel que les États trouvent des relais dans la société civile économique, encore faut-il qu'ils permettent l'existence de ces marchés, sans remises en cause perpétuelles, et qu'ils fournissent aux acteurs socio-économiques les moyens de les investir. Le prochain projet de loi de finances devrait, de ce point de vue, constituer un premier test, le risque étant de voir le gouvernement atténuer discrètement les mesures adoptées par ailleurs.

 

 

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