Sarkozy sur la route de Cracovie

Chaque semaine à partir de ce lundi, Hélène Fontanaud, journaliste au service France de La Tribune, proposera son regard sur la politique française. Un point de vue décalé pour prendre la mesure des stratégies, des idées et des jeux de pouvoir à vingt mois de la prochaine élection présidentielle. Aujourd'hui : ce qui se cache derrière l'été "sécuritaire" de Nicolas Sarkozy.

"A la gare de Lodz, deux commerçants, concurrents, se rencontrent : - Tiens, Rosner, bonjour. Où vas-tu ? - Bonjour, Ploteck. Je vais à Cracovie. - Quel baratineur ! soupire Ploteck. Si tu me dis que tu vas à Cracovie, c'est pour me faire croire que tu vas à Varsovie. Or, il se trouve que je sais parfaitement que tu vas à Cracovie, alors pourquoi mens-tu ?" Transposons cette histoire juive polonaise dans le monde politique... Où, quand quelqu'un cherche à vous faire croire qu'il poursuit un but alors qu'il en a affiché un autre, qui s'avère finalement être l'objectif principal, on parle parfois "d'agenda caché".

En cette rentrée 2010, l'avant-dernière avant le fracas des armes de la campagne présidentielle de 2012, on doit logiquement s'interroger sur l'agenda caché de Nicolas Sarkozy. Si le président de la république parle expulsion des Roms et répression, ce n'est pas pour masquer l'affaire Woerth-Bettencourt, même si toute diversion est bienvenue, mais c'est en fait pour replacer la sécurité au coeur du débat public. Cette question n'est rien d'autre que l'ADN politique de Nicolas Sarkozy, sa marque de fabrique depuis son arrivée au ministère de l'Intérieur, en 2002...et même bien avant.

Tout le monde a gardé en mémoire les images du jeune porte-parole du gouvernement Balladur arrachant des enfants au preneur d'otages "Human Bomb" dans une maternelle de Neuilly, en 1993. C'est grâce aux thèmes sécuritaires que Nicolas Sarkozy a agrégé année après année ses soutiens au sein de l'électorat de droite et c'est encore ce dossier qui lui a permis de conquérir des sympathisants du Front national lors de la campagne de 2007.

Les "dérapages" qui émeuvent aujourd'hui les ministres de l'ouverture et les intellectuels à l'époque séduits par le candidat UMP figuraient dans le discours tenu il y a trois ans à Toulon. Le ton était dur, déjà, à l'égard des immigrés. "Ceux qui veulent soumettre leurs femmes, ceux qui veulent pratiquer la polygamie, l'excision, le mariage forcé, ceux qui veulent imposer à leurs soeurs la loi des grands frères, ceux qui ne veulent pas que leur femme s'habille comme elle le souhaite, à ceux-là je veux dire que si je suis élu président de la République, ils ne seront pas bienvenus sur le territoire de la république", avait lancé Nicolas Sarkozy.

Pourquoi aujourd'hui remettre la sécurité sur le devant de la scène ? La réponse figure en partie dans le sondage TNS-Sofres publié la semaine dernière dans le "Nouvel Observateur". Une enquête qui donnait quatre candidats du PS capables de battre ou de faire jeu égal avec Nicolas Sarkozy au second tour de la présidentielle. Dans l'ordre, Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, François Hollande et Ségolène Royal. Mais, comme le note justement Philippe Guibert, ancien conseiller de Ségolène Royal, "avant le second tour, il y a le premier". Et c'est là que la victoire paraît se dérober sous les pieds socialistes. Car avec 16% des intentions de vote, Ségolène Royal et François Hollande sont au niveau maudit de Lionel Jospin le 21 avril 2002. Avec 22% et 25%, Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn sont tout juste au niveau de Lionel Jospin en 1995 et de Ségolène Royal en 2007.

Et voilà qu'on retrouve Nicolas Sarkozy sur la route de Cracovie. En reparlant sécurité, le chef de l'État n'a fait que repartir à la conquête de son socle du premier tour. Crédité de 26 % à 29% des intentions de vote dans l'enquête TNS-Sofres, le candidat de l'UMP avait littéralement stupéfié la gauche en avril 2007 en arrachant 31,18% des voix au premier tour, contre 25,87% pour Ségolène Royal. C'est ce "nombre d'or" que vise encore et toujours Nicolas Sarkozy.

Et toute la stratégie du chef de l'État se déchiffre à l'aune de cet objectif. Depuis la victoire de la gauche aux régionales, le président et la majorité proclament leur intention de revenir aux "fondamentaux" de 2007, formidable aveu de l'érosion régulière des soutiens de l'UMP dans les classes moyennes et populaires. La sécurité, l'immigration, l'industrie, la croissance, la moralisation du capitalisme financier, toutes les cartouches seront tirées dans les mois qui nous séparent de la présidentielle. La promesse de la non-augmentation des impôts sera plus difficile à raviver. Mais d'ores et déjà, Nicolas Sarkozy engrange les premiers bénéfices de la campagne de séduction engagée auprès du coeur de son électorat : quatre points de mieux dans le baromètre TNS-Sofres-Logica pour Le Figaro-Magazine. "Battling Sarko" est de retour...

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