La réalité d'une harmonisation fiscale franco-allemande

Sur la convergence fiscale entre la France et l'Allemagne, Nicolas Sarkozy dit vouloir "aller vite". L'exécutif voudrait en faire le prétexte d'une suppression du bouclier fiscal et de l'ISF, qui n'existent plus en Allemagne. Et si le projet allait bien au-delà? À quoi ressemblerait une fiscalité harmonisée, autrement dit plus proche du système allemand?

Et si l'harmonisation franco-allemande, nouveau Graal du gouvernement en matière fiscale, allait au-delà du projet prêté à l'exécutif: justifier la suppression de l'ISF et du bouclier par leur inexistence outre-Rhin? Nicolas Sarkozy a déclaré vouloir "aller plus rapidement qu'on ne l'imagine" dans cette voie. Pourquoi pas? Rapprocher les systèmes de prélèvements de deux pays proches, qui ont fait le choix de l'économie sociale de marché, semble judicieux. Notamment pour mieux peser dans les négociations européennes.

Bien sûr, l'idée d'une harmonisation suppose que chacun des deux membres fasse mouvement vers l'autre. Mais, en l'occurrence, les Allemands n'affichent pas un enthousiasme immodéré. Si harmonisation il y a, ce sera surtout à la France de faire des pas vers l'Allemagne.

Imaginons, un instant, que cela soit le cas. Que faudrait-il faire pour que les impôts en France ressemblent un peu plus à ceux payés par les Allemands?? Certes, le taux global de prélèvements obligatoires en Allemagne est inférieur à celui de la France. Mais l'écart (un peu plus de trois points de PIB) n'est pas tel qu'il empêche la comparaison.

D'abord, il serait nécessaire d'augmenter l'impôt sur le revenu. Et pas à la marge. Il représente, en France, 2,9% du PIB, soit l'un des poids les plus faibles de tous les pays de l'OCDE. En Allemagne, il est presque trois fois plus lourd (9,1% de la richesse nationale). Le taux maximum d'imposition y atteint 45% (contre 40% en France).

Il est certes possible d'assimiler la CSG à un impôt sur le revenu. Dans ce cas, la taxation du revenu représente, en France, 6,9 % du PIB. Encore en dessous du niveau allemand ! Il ne suffirait sans doute pas de faire payer plus de monde en France, comme cela est souvent suggéré.

En regard d'un impôt sur le revenu alourdi, les cotisations sociales à la charge des employeurs seraient sensiblement allégées. Elles représentent 10,9% du PIB en France, contre 6,3% en Allemagne. Si le poids de ces cotisations françaises était aligné sur celui constaté outre-Rhin, les entreprises hexagonales y gagneraient quelque 90 milliards d'euros! Mais elles devraient évidemment, en contrepartie, augmenter sensiblement les salaires: leurs employés réclameraient des compensations à la hausse de l'impôt sur le revenu.

Les entreprises françaises sortiraient sans doute gagnantes d'une telle réforme. Et ce, même si elles s'alignaient sur leurs homologues allemandes, qui participent à la protection sociale de leurs salariés au-delà des cotisations obligatoires, sur la base de négociations de branches : autant de souplesse en plus. En revanche, il n'est pas certain qu'elles gagneraient à avoir l'impôt sur les bénéfices allemand, au taux très faible (25%), mais à l'assiette très large.

Aller vers le modèle allemand reviendrait donc à accélérer la fiscalisation du financement de la protection sociale. Autrement dit, faire reposer sur l'impôt le système public français d'assurance sociale, et non sur des cotisations taxant le travail. Un processus déjà entamé avec la création de la CSG. Elle pourrait monter encore en puissance à la faveur d'un rapprochement franco-allemand. Le problème se poserait alors de la place prépondérante prise par cette contribution proportionnelle, au détriment de l'impôt progressif.

La fusion de la CSG et de l'IR pourrait être une solution. Quant à la "TVA sociale", mise en place par les Allemands, cette réforme a été facilitée par le faible taux de TVA en vigueur auparavant (16%). Il existait des marges de manoeuvre, outre-Rhin, qu'on ne trouve plus guère en France, comme l'a souligné le secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand, en réponse à une proposition de Jean-François Copé, favorable à une TVA sociale rebaptisée "taxe antidélocalisation".

Bien au-delà de la suppression du bouclier, le "modèle" allemand pourrait donc orienter le système fiscal vers une plus grande compétitivité, en faisant moins reposer les impôts sur les entreprises. Cela suppose d'inverser les politiques d'allégement de l'impôt sur le revenu menées avec une superbe constance transpartisane depuis près de vingt-cinq ans...

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