Pierre de Lauzun : "Il faudrait une politique fiscale favorable à l'investissement en actions"

L'Assemblée nationale entamait lundi après-midi la deuxième lecture du projet de loi de régulation financière, après son adoption par le Sénat fin septembre. Le point de vue de Pierre de Lauzun, délégué général de l'Association française des marchés financiers (AMAFI).

Une meilleure localisation des titres à emprunter comme préalable à la vente à découvert, des pouvoirs accrus pour l'Autorité des marchés financiers, un enregistrement et un contrôle des agences de notation, l'installation de l'Autorité de contrôle prudentiel?: alors que les députés français entamaient lundi en milieu d'après-midi l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi de régulation financière, Christine Lagarde, la ministre de l'Économie en a décrit les grandes lignes devant les membres de la Fédération mondiale des Bourses réunis à Paris. Tout en espérant ne pas les avoir effrayés par un excès de régulation -excès dont les députés se sont encore défendus lundi -. La ministre a, par ailleurs, esquissé les trois principes qui animeront la France, lorsqu'il s'agira d'aller plus loin en matière de régulation, et notamment de réviser la directive Marchés d'Instruments Financiers (MIF) : transparence, responsabilité et «techno-compatibilité». Le message est clair: Bercy appelle à une révision en profondeur du texte européen.

Que pensez-vous du débat sur la régulation en France, en Europe et à l'international?

Je suis frappé de sa mauvaise qualité. Certes, les autorités politiques se sont intéressées aux bonus ou aux ventes à découvert. Mais il n'y a aucune réflexion en profondeur ou prise de conscience du fait que les marchés sont un des éléments centraux de l'économie. À l'occasion de la crise grecque et de la crise de l'euro, les politiques ont découvert le fonctionnement des marchés financiers. Et ils ne veulent les voir que sous leur aspect nuisible pour mieux les stigmatiser. Mais c'est oublier que les gouvernements font eux-mêmes largement appel au marché. Et ce, alors que le rôle de ces marchés est clairement appelé à progresser à l'avenir du fait des règles prudentielles issues de Bâle III, qui devraient contribuer à réduire le rôle du financement par le crédit.

Il y a pourtant des réflexions en cours, en Europe, sur la révision de la directive Marchés d'instruments financiers (Mif) par exemple...

Effectivement, mais le débat reste à un niveau hypertechnique. C'est pourtant une question centrale. Une large part de nos compatriotes travaille dans des entreprises cotées. Le sujet devrait donc faire l'objet d'empoignades dans la rue. Cette directive est fondamentale pour ces entreprises, mais elle reste non comprise car peu lisible. En outre, nous manquons de données sur le trading à haute fréquence, sur les dark pools. Nous devrions avoir une traçabilité, tout comme dans la chaîne alimentaire. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. Cette révision a été lancée de manière confidentielle et peu ambitieuse. Nous forgeons une image que le citoyen ne peut comprendre car il ne voit qu'une boîte noire. On doit pouvoir comprendre ce qui se passe sur le marché. La transparence doit y être assurée.

Que préconisez-vous alors?

Apprivoiser les marchés doit être un objectif national et nous avons besoin de leaders politiques pour prendre à bras-le-corps ce problème. Nous avons besoin de règles convergentes de part et d'autre de l'Atlantique. Michel Barnier [le commissaire européen au Marché intérieur, ndlr] a bien compris l'enjeu et l'aborde avec courage. Mais il a besoin d'appuis. Nous n'appelons pas à un «?laisser-faire?», mais à des règles du jeu permettant un bon fonctionnement des marchés. La réglementation doit aller de pair avec une politique industrielle pour conserver des marchés et des acteurs totalement centraux au bon développement de l'économie européenne, avec notamment la localisation en zone euro des infrastructures de marché avec une surveillance appropriée.

La France vous semble-t-elle bien aborder ce débat?

Parlons du problème de l'épargne longue en actions. Nous venons d'écrire à Madame Lagarde pour rappeler que l'instrument le plus important pour le financement à risque des entreprises, l'action, est le plus mal loti lorsqu'on compare la situation fiscale des différents investissements. L'une des conséquences de Bâle III sera de réduire la détention d'actions par les institutions financières. Du coup, l'actionnariat étranger des sociétés cotées françaises va encore s'accentuer alors que nous avons besoin d'une réappropriation populaire de nos entreprises. C'est un problème collectif majeur. Les entreprises françaises sont de plus en plus contrôlées par les hedge funds et les fonds de pension américains, qui n'ont pas nécessairement les mêmes intérêts que les salariés français. Il faut une politique fiscale visant résolument à favoriser l'épargne longue en actions par rapport aux autres formes d'épargne.

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