City-Mix ou l'art de la stratégie urbaine

L'artiste plasticienne Raphaële Bidault-Waddington revient sur les enjeux des différentes représentations urbaines proposées dans le cadre de l'Expo Shanghai 2010 et souligne la réussite des pays qui ont su adopter une stratégie globale et innovante pour imaginer la ville du futur.

L'Expo Shanghai 2010 « Better City, Better Life », qui s'est achevée ce dimanche 31 octobre, est une belle occasion de faire le point sur les nombreuses stratégies que les villes et les pays utilisent pour penser leur avenir et se distinguer sur la scène internationale. Le premier cas est bien sûr celui de la Chine qui a décidé de se hisser au rang des plus grandes nations en organisant une Exposition universelle, privilège réservé aux nations les plus avancées. C'est aussi à l'ampleur des moyens investis que l'on peut mesurer la détermination des Chinois, qui, comme pour les Jeux olympiques de Pékin, n'ont pas lésiné pour affirmer leur modernité et attirer les projecteurs.

Mais comme le sont généralement ces énormes projets urbains, l'Expo est surtout une manière d'engager, de motiver, ou d'habiller (théâtraliser), un programme de réaménagement urbain massif et pénible, tel que celui de l'ancienne zone portuaire des rives du Huang Pu à Shanghai. Paris avait par exemple raté une belle occasion de faire de son projet pour les Jeux olympiques un moyen fédérateur de mettre en marche le Grand Paris, lui évitant probablement bien des heurts et inerties actuels. On imaginait déjà comment les six anneaux (olympiques) auraient pu être une image simple et juste d'une nouvelle capitale polycentrique, solidaire et libérée, venant défaire l'oppressante ceinture du périphérique ! Car ces mégaprojets urbains sont bien sûr porteurs d'une certaine utopie, d'une promesse d'un monde meilleur, tel un discours de publicité que plus aucun politique n'ose formuler, mais dont on sait, s'il est intelligemment pensé, combien il permet de susciter le désir d'appartenance et la cohésion sociale.

Et Shanghai n'est pas en reste avec ce thème si éloquent « Better City, Better Life » ! C'est donc aussi par son contenu, pourtant parfois si édulcoré, que Shanghai 2010 forme un laboratoire du « branding » urbain, devenu si nécessaire, lorsque mobilité et globalisation mettent en péril la stabilité et l'intégrité des écosystèmes territoriaux.

Au-delà des nombreux pavillons d'une banalité déconcertante, à coups de surenchère de vidéoprojection, de pseudo-écoquartiers, et de discours naïfs, notons quelques démarches crédibles.

Les Pays-Bas qui, si exposés, sont l'un des rares pays à réellement prendre acte du risque climatique, offrent un pavillon que l'on visite comme une rue bornée de maisonnettes très bien pensées, et suspendues au-dessus d'un espace vert où l'agriculture de proximité a retrouvé place. Au-delà de l'équilibre ville/nature, il est question d'espace partagé, là où la notion même de ville prend son sens et sait « faire société ». Cette démarche fait écho aux approches très innovantes que les développeurs territoriaux néerlandais expérimentent en parlant de « political design ».

De manière très différente, le Mexique met aussi l'accent sur la notion d'espace public mais choisissant cette fois-ci l'art comme catalyseur du liant social. Plus inattendu, le pavillon vénézuélien, dont les slogans rougeoyants de « Révolution » et « Débat démocratique », habituellement, nous font plutôt sourire ou nous agacent, prend une couleur bien audacieuse et courageuse dans un contexte chinois si muselé !

Mais c'est le pavillon anglais qui convaincra le plus avec un parti pris très précis et authentique, sachant s'appuyer simplement sur l'exemplarité des villes anglaises en matière de jardin de proximité où tous se retrouvent. Dans une sublime architecture « radically creative », couplée à un partenariat d'excellence avec le Kew Garden très engagé dans la biodiversité, les Anglais y ajoutent l'humour et l'autodérision en invitant quelques clowns drolatiques à mimer le « bobby » ou le touriste anglais un peu benêt ! Le fou rire nous en ferait oublier notre sujet mais n'oublions pas que les Anglais, comme les Hollandais, ont une réelle longueur d'avance en matière de « mix stratégique » du développement territorial, et qu'il serait temps que les villes françaises apprennent à utiliser correctement cet outillage conceptuel !

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