L'accident de train des bonus

Soit deux trains qui se dirigent l'un vers l'autre à la même vitesse, sur la même voie. Le premier démarre de la City et transporte les bonus des banquiers. Le second vient de Westminster et transporte la colère publique. Question : à quel moment la collision provoquera-t-elle des émeutes populaires ? Vous remettrez vos devoirs avant la saison des bonus, début 2011. Les premiers de la classe éviteront les commentaires élitistes, respectant la susceptibilité des autres.
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Ce devoir de mathématiques élémentaires est celui que soumet actuellement aux banquiers Stuart Fraser, le directeur des politiques de la City. Pour lui, la saison des bonus 2011 risque d'être « un accident de train », qui mobilisera à nouveau l'opinion contre les banquiers : si les golden boys de la City se paient des émoluments à nouveau trop généreux, la réaction de la classe politique pourrait être de leur imposer une nouvelle réglementation. « Comme pour un train lancé à pleine vitesse, nous n'avons pas le pouvoir de contrôler les bonus. Nous ne pouvons que regarder. Si cela se produit, cela pourrait rallumer le feu contre la City. »

Selon le Centre for Business and Economic Research, les bonus devraient atteindre 7 milliards de livres (8,2 milliards d'euros) cette année. Certes, c'est en légère baisse par rapport à l'an dernier (7,3 milliards de livres), c'est beaucoup moins qu'au pic de 2007 (11,5 milliards de livres), mais c'est tout de même mieux qu'en 2002 et 2003 et au même niveau qu'en 2004, année florissante. Stuart Fraser, courtier de profession, n'est pas un homme à se boucher le nez face au montant astronomique des bonus. Simplement, il pense que le sujet demeure encore trop sensible, et qu'il serait contre-productif d'y revenir trop tôt.

Depuis deux ans, ce vieux loup de la City a pesé de tout son poids pour convaincre le gouvernement britannique de ne pas imposer trop de sanctions contre le secteur financier. Après une période tendue, il commence à se détendre. « Je suis plus optimiste qu'il y a douze mois, confie-t-il. L'horizon réglementaire est plus clair. »

Il estime cependant que ce soulagement est encore fragile. « La place de la City dans le monde de la finance n'est pas irréversible », prévient-il. Malheureusement pour lui, la modération à laquelle il appelle les grands établissements financiers ne semble guère entendue. La nomination de Bob Diamond à la tête de Barclays le prouve : le richissime Américain sera payé un maximum de... 13 millions d'euros, dont plus de 11 millions de bonus. À moins, bien entendu, d'une révolution. Or, celle-ci a semblé se dessiner. Début novembre, il a été révélé que les grandes banques menaient en secret des négociations pour tenter de réduire les bonus à environ 4 milliards de livres (4,7 milliards d'euros). Cela leur permettrait de baisser les émoluments de leurs banquiers sans (trop) risquer de perdre leurs meilleurs éléments. Au passage, cela soulagerait plus d'un dirigeant de banque, qui a longtemps souffert d'un chantage de ses propres stars : « Payez-moi plus ou je pars chez le concurrent. » C'est ce genre d'argument qui avait mené à la création des « bonus garantis », un bel oxymore financier. Il n'y a cependant pour l'instant aucun signe d'accord, d'autant plus que cela serait probablement illégal, s'apparentant à une entente entre concurrents. Si bien que début 2011, faites attention si vous traversez une voie ferrée du côté de Londres : un accident est si vite arrivé.

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