Le boom du mobile change la donne en Afrique

La rapide expansion du téléphone portable facilite la bancarisation, l'accès à l'information et aux services de santé ou éducatifs. Elle génère aussi de confortables recettes fiscales.
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L'Afrique a encore la réputation d'être un continent trop risqué et trop pauvre pour une entreprise voulant s'y installer. Pourtant, l'Afrique est en pleine mutation et une des raisons majeures de ce changement résulte de l'explosion d'utilisation de la téléphonie mobile. Près de la moitié des Africains sont déjà équipés en téléphones portables, soit 350 millions d'abonnés, et le continent connaît toujours le taux de croissance du parc le plus élevé au monde. La compétition entre les opérateurs s'intensifie, entraînant une baisse des prix pour le consommateur. C'est un des premiers continents où la plupart des appels interpays reçus ou émis sont facturés aux tarifs locaux, essentiellement du fait de la présence d'importants réseaux d'opérateurs panafricains. En 2009, environ six opérateurs représentaient près de 52 % du total des souscriptions de téléphones portables en Afrique.

Un des principaux facteurs d'innovation provient d'une utilisation croissante des services bancaires téléphoniques. En juin 2010, Safaricom, le plus grand opérateur de l'Afrique de l'Est, et certainement une des sociétés kényanes les plus rentables, a lancé un produit de microépargne sur téléphone portable auquel 40.000 Kényans ont rapidement souscrit. Sur un continent où le taux de bancarisation est extrêmement faible - il ne dépasse pas 10 % en Afrique de l'Ouest -, le téléphone mobile devient un enjeu capital pour augmenter et canaliser les flux monétaires. Le taux de bancarisation a ainsi globalement doublé en trois ans grâce au « mobile banking ». Les contraintes plus légères que celles imposées aux banques permettent aux opérateurs de développer leurs services à moindre coût. Une opération bancaire par le mobile reviendrait à 10 % du coût en agence. Au Bénin, 1 % de la population peut accéder aux banques mais 18 % sont en possession d'un téléphone portable : la bancarisation des pays émergents passera bel et bien par le mobile.

L'information et l'éducation se développent également grâce au mobile. Internet, les messageries et autres services sont autant de moyens de se libérer de contraintes qui peuvent peser sur les populations pour de multiples raisons sociales, politiques ou religieuses. L'accès direct aux marchés est un des facteurs de régulation qui permet de réduire les énormes écarts de prix qui pourraient exister d'un pays à un autre. Les agriculteurs notamment ont désormais un accès direct aux prix des produits agricoles, comme au Kenya, avec le réseau DrumNet. Et des crises alimentaires récurrentes ont été récemment contenues grâce au téléphone portable. De nombreuses initiatives dans le domaine de la santé pallient la pénurie de personnel médical qualifié. Cell-Life, dans le cadre de la lutte contre le sida, communique des informations sur les traitements à suivre et le mobile s'est avéré très efficace pour contenir la typhoïde en Ouganda. En matière d'éducation, plusieurs programmes sont actifs dans des domaines aussi variés que des cours de mathématiques ou des vidéos pour passer son permis de conduire.

Enfin, la téléphonie mobile constitue une source considérable de revenus pour les États. Au Sénégal, les revenus générés par la téléphonie représentaient plus de 12 % du budget de l'État en 2009. Les opérateurs présents en Afrique reversent en moyenne 30 % de leurs revenus sous la forme de taxes et d'impôts sur les bénéfices. Pour les États africains, il s'agit là d'une manne qui a pris le relais de toutes les aides et autres subventions. Mieux, c'est une façon de prélever l'impôt sur la partie informelle des activités qui, dans certains pays africains, peut concerner jusqu'à 70 % de la population. Grâce au téléphone portable, le citoyen qui échappe à l'impôt revient indirectement dans le circuit officiel et s'inscrit volontairement dans les flux économiques de son pays. En résumé, une étude de la London Business School tendrait à démontrer que, pour chaque tranche d'augmentation de 10 % des abonnements téléphoniques dans un pays en voie de développement, on peut enregistrer une croissance de 0,6 % du PNB. La révolution par le mobile devrait permettre à la plupart des pays africains de changer de dimension. Investisseurs, préparez-vous !

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