Allemagne-Etats-Unis : deux modèles opposés

Par Marc Fiorentino, d'Allofinance.com.
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Il est rare d'assister en direct à l'expérimentation de deux théories économiques opposées. Nous aurons cette "chance" en 2011. Nous aurons enfin la réponse pratique aux débats théoriques qui opposent les économistes tenants de la relance à ceux qui prônent la rigueur budgétaire. Car cette semaine, après des mois d'hésitation, l'administration Obama a basculé, avec la bénédiction de républicains encore tout étonnés d'avoir pu obtenir le prolongement des réductions d'impôts Bush pour les ménages les plus aisés.

Le choix américain est officiellement celui de la relance aux dépens, à court terme, du déficit budgétaire. Une relance par la Réserve fédérale avec une politique agressive d'injection de liquidités et de maintien de taux d'intérêt à zéro. Et une relance budgétaire par l'administration. Le report des réductions d'impôts Bush et, surprise de dernier moment, la réduction des charges sociales pour les employés équivalent à un nouveau plan de relance. Les États-Unis choisissent donc la fuite en avant. Ils font une croix sur la lutte contre l'inflation et sur le contrôle du déficit budgétaire. Le pari est simple : le déficit budgétaire doit se résoudre par la croissance des recettes provenant de la reprise économique plutôt que par la réduction drastique des dépenses.

L'Allemagne, elle, défend le modèle opposé. Un modèle qu'elle impose à tous les pays de l'Union européenne. L'Irlande n'a obtenu un package d'aides qu'au prix de coupes drastiques dans ses dépenses avec des mesures aussi traumatisantes que la réduction du salaire minimum et des programmes d'aides sociaux pour les plus nécessiteux. Pour l'Allemagne, l'austérité est la voie de la prospérité. On ne peut avoir de relance efficace tant qu'on n'a pas fait le ménage parmi les dépenses. L'Allemagne n'est pas opposée à une relance ; elle le prouve actuellement en mettant la pression sur ses grandes entreprises pour qu'elles accordent enfin des hausses de salaires. Mais priorité d'abord à la réduction des dépenses. Inutile d'injecter des milliards d'euros qui ne favoriseraient pas obligatoirement la croissance mais alimenteraient par exemple la spéculation comme c'est le cas avec l'argent distribué par la Fed ou les importations et donc les déséquilibres comme c'est le cas des primes à la consommation américaines.

L'Allemagne est accusée de tuer toute reprise de croissance dans l'oeuf. Les États-Unis sont accusés de mener une politique de destruction massive des grands équilibres économiques à des fins purement égoïstes. L'Allemagne accuse les États-Unis de réitérer les erreurs faites dans les années 2000, des erreurs qui ont mené à la crise des subprimes et à l'explosion de 2008. Les États-Unis accusent l'Allemagne de ne pas avoir tiré les leçons de la crise de 1929 et de mener les pays développés (ce terme ne me semble d'ailleurs aussi peu approprié que celui de pays émergents ; les pays émergents sont devenus des pays émergés, et les pays développés sont devenus des pays déclinants) vers la grande déflation.

Chacun a choisi son camp. Et chaque pays « développé » va devoir suivre en choisissant son modèle. La France n'a pas le choix car elle est trop dépendante de l'Allemagne (un vassal suit les ordres de son souverain) et les pays européens en crise non plus. Les autres vont probablement attendre de voir comment la situation va évoluer. Les prévisions de croissance ont été relevées aux États-Unis mais cela a provoqué une hausse violente des taux d'intérêt américains et donc une aggravation à court terme du déficit budgétaire. L'Allemagne, elle, a affiché une croissance insolente en 2010 ; son économie va ralentir mais son déficit et sa dette sont sous contrôle. Deux modèles opposés. Les dés sont jetés. Résultat dans quelques mois.

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Commentaire 1
à écrit le 19/05/2011 à 5:55
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Bonne analyse !! tandis qu'en France on aimerait faire les 2 : contraindre les classes moyennes pour réduire le déficit mais relancer les dépenses pour les Classes politiques en augmetant sans cesse leur salaire , en leur offrant des voyages très lux...

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