Vous avez dit "nouveau contrat social" !

Par Stéphane Soumier, rédacteur en chef de BFM Business.
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Est-ce du simple bavardage ? Est-ce simplement perdre son temps que de parler des 35 heures ? Sur le fond, évidemment. Vous avez tout lu là-dessus, votre conviction est forgée. La mienne ne l'est pas. Mais peu importe. Parce que ce n'est pas la question des 35 heures qui m'intéresse, mais la façon dont on en parle. "C'est un tel symbole de ce que nous sommes", me disait Pierre Nanterme, la semaine dernière.

Président de la commission économique du Medef, président de la société de conseil Accenture, il est au contact du monde dans ses moindres évolutions, et d'une France qui ne sait plus rien faire d'autre que de parler de ses problèmes. En parler, pas les résoudre. Regardez les termes du débat : « les 35 heures nous coûtent chaque année 20 milliards », voilà ce que proclament ceux qui veulent les abolir. Mais d'où sort ce chiffre ? Pas de la Cour des comptes, elle s'est arrêtée à 12 milliards, en notant, parce que la cour est ainsi faite, que le maquis des allégements de charge rendait en fait les choses illisibles. Et pour cause, cela fait des années que ces milliards n'ont plus rien à voir avec les 35 heures.

C'est l'avocat Michel Barthélémy, spécialiste du droit du temps de travail, qui m'a permis d'y voir clair : le seul lien entre ces milliards et les 35 heures, ce sont quelques lignes dans l'exposé des motifs de la loi Fillon de 2004 et dans les décrets qui suivirent pour unifier le Smic. Mais dans les faits, elles ne sont en rien liées à une quelconque durée obligatoire. Ce sont des allégements de charges sur les bas salaires. Rien d'autre. Et donc, penser que l'on économisera 20 milliards en annulant les 35 heures est absurde. Mais encore une fois, ce n'est pas le fond qui m'intéresse, c'est l'idée que le débat public soit totalement bâti sur du vide, sur des chiffres qui ne sont que des chimères. Le problème, et c'est Jean-Paul Betbèze qui l'écrit parfaitement dans son dernier bouquin, c'est que « nous passons un temps infini à écouter des voix sans importance ». Le problème, c'est notre rapport au réel.

Et pourtant, nous passons aussi un temps infini à corriger à la marge des problèmes que nous avons nous-mêmes créés. Mais corriger ne veut pas dire régler. Les 35 heures n'existent plus, dit le président, mais à quel prix ? Au prix de quel effort d'ingéniosité de la part des DRH (quand il y en a) et des chefs d'entreprise (quand il n'y en a pas) ? Est-ce une perte de temps que de dire que ces efforts seraient mieux employés à trouver des solutions innovantes ?

L'autre leçon de ce débat, c'est que décidément l'entreprise n'a aucune importance. Ou plutôt que sa voix est totalement disqualifiée. Est-il normal que les représentants des salariés et des patrons ne soient pas au centre des questions ? Oui, c'est normal, dans un pays où l'on refuse obstinément de parler d'économie pour ne parler que de politique.

Personne n'est dupe, cette résurgence des 35 heures n'est qu'un règlement de compte entre Jean-François Copé et Xavier Bertrand. Hervé Novelli a quand même, la semaine dernière, pondu le plus invraisemblable des rapports, proposant, purement et simplement la suppression de ces allégements sur les bas salaires, qui pourraient toutefois revenir (si l'on a bien compris, mais j'admets avoir des doutes) au fur et à mesure de l'ouverture de négociations sur un nouveau "contrat social" (sic !). Le même Hervé Novelli était bien amer il y a deux mois en constatant qu'on l'avait viré du gouvernement parce qu'il fallait bien caser quelque part Frédéric Lefebvre : "Notre problème, c'est que l'entreprise ne sert que de variable d'ajustement", disait-il alors. Parole d'expert.

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