L'Etat déçoit la jeunesse, l'époque la console

Par Sophie Péters, éditorialiste à La Tribune.
Sophie Péters

Ils vivront plus volontiers en ville, se considéreront égaux entre hommes et femmes, veilleront à plébisciter des institutions garantes de la loi et de l'ordre, pourvoyeuses de protections sociales avec une répartition plus équitable des richesses. Surtout ils auront mis beaucoup d'énergie à fonder une famille et investir leur logement. Voici grossièrement le portrait des trentenaires et des quadras des années 2030 à l'échelle de la planète. L'enquête menée dans 25 États par la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) auprès de 32.700 personnes de 16 à 29 ans esquissée dans ses grandes lignes laisse flotter un doux parfum d'optimisme : une jeunesse acquise à l'idée de mondialisation, pleine d'entrain et signant le triomphe de la famille. À l'exception du cas français dont le modèle bonheur privé malheur public est sans surprise : des jeunes heureux dans leur petite vie mais désespérés par leur pays.

On ne le sait malheureusement que trop, le manque de confiance gangrène la société française. Regardons alors hors des frontières hexagonales, ce qui pourrait bien nous donner matière à réfléchir et nous sortir de notre nombrilisme déprimant.

Une lecture en creux révèle des disparités passionnantes. Essentiellement celles qui se forment entre la jeunesse des pays émergents et celle des pays vieillissants. Entre une jeunesse volontaire conquise au rythme du nouveau monde et une jeunesse hésitante, craintive et peu sûre d'elle. Les Indiens, les Brésiliens, les Chinois croient dur comme fer en un avenir prometteur. Mention spéciale aux jeunes Israéliens confiants massivement (81 %) dans leur futur. Ils jugent la globalisation comme une opportunité et remportent la palme des jeunesses les plus heureuses d'y rentrer. Que faut-il en conclure ? Qu'ils n'ont plus rien à perdre et tout à gagner. Que nous sommes, en Europe, victimes de notre confort de vie où tout s'accorderait à nous faire perdre nos avantages durement acquis et qu'on ne voit décidément pas où et comment nous projeter. Alors, on plombe sans sourciller le moral de nos jeunes. Entre gain et perte se trouve l'aiguillon de la jeunesse.

Autre antagonisme, et non des moindres : la jeunesse mondiale croit plus en la société qu'en l'État. Elle se dit satisfaite de l'époque dans laquelle elle vit (59 %), mais se révèle insatisfaite de la situation générale de son pays (61 %). Le pays déçoit, l'époque console.

Faut-il voir dans la révolte tunisienne un signe avant-coureur de conflits nationaux ? A la question "quelles sont les plus grandes menaces pour la société ?", la guerre arrive avant la pollution juste après le chômage et la pauvreté. A celle de mourir pour la patrie, les Indiens suivis des Chinois et des Grecs y sont prêts, les plus opposés étant sans surprise les Russes, les Japonais et les Européens.

Enfin, les jeunes ont la conviction de pouvoir décider eux-mêmes de leur vie, estiment nécessaire de transmettre aux enfants le sens de l'indépendance et se déclarent disposés à désobéir à la loi pour combattre l'injustice. Le signal envoyé aux politiques est limpide : la jeunesse du monde les somme d'avoir plus d'ambition et d'arrêter de leur gâcher l'avenir. Tout se passe comme si les nations entravaient leur désir de société à l'échelle planétaire. Loin d'avoir peur d'une globalisation dans laquelle ils nagent comme des poissons dans l'eau, les jeunes sont enthousiasmés par les innombrables possibilités qui s'offrent à eux. Et se sentent appelés à y jouer un rôle déterminant, tels les Chinois (64%), les Brésiliens (62%) ou les Indiens (84%) loin devant les Européens (55%) et les Français (47%). C'est donc bien une jeunesse disposée à bâtir un monde nouveau, acquise à la globalisation, qui se dessine, désireuse de transmettre à ses enfants le sens des responsabilités et l'honnêteté.

C'est une conscience inédite qui émerge, prête à penser le monde autrement. Une aubaine pour la Vieille Europe qui, au lieu de se quereller et de se recroqueviller, pourrait offrir sa lanterne philosophique à une jeunesse en quête de cosmopolitique. Mais aussi pour les Français qui tiennent, là, une source de changement et un levier pour combattre leur anxiété. À nous de faire en sorte que notre jeunesse choisisse l'espoir plutôt que la peur.

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