Londres, toujours capitale du monde

Par Eric Albert, correspondant à Londres de La Tribune.
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L'Empire britannique n'existe plus mais les sujets de Sa Gracieuse Majesté ont parfois du mal à s'en remettre. C'est peut-être pour ça que la City souhaite imposer sa domination sur la finance mondiale. Depuis le big-bang de 1986, quand Margaret Thatcher a fait sauter toutes les protections contre les investissements étrangers, le monde entier s'est précipité à Londres pour s'en servir comme d'une plate-forme financière. C'est toujours vrai aujourd'hui : cinq entreprises russes minières, industrielles et bancaires sont en train de préparer leur introduction en Bourse. À Londres, bien évidemment. Au total, jusqu'à 15 milliards d'euros pourraient ainsi être levés cette année par des entreprises russes en 2011.

Voilà qui prend à contre-pied l'impression de l'irrésistible glissement de l'économie et de la finance vers l'Asie. Hong Kong n'est-elle pas censée être le nouveau centre financier où tout le monde converge ? "Londres reste le centre de gravité", répond Alexander Merzlenko, de Renaissance Capital, une banque d'investissement spécialisée sur la Russie. C'est particulièrement vrai pour les Russes, qui ont une étroite relation historique avec Londres. Dans les chics quartiers de l'ouest de la capitale britannique, le nombre de milliardaires russes au kilomètre carré n'a d'égal que Moscou. C'est vrai aussi pour l'argent du pétrole arabe.

Pourquoi cet attrait pour Londres, et pas New York ou Hong Kong ? La réponse est en grande partie un hasard de l'histoire. On parle à Londres la langue de la superpuissance américaine, c'est-à-dire l'anglais ! Il aurait pu en tourner autrement lors de la guerre de l'Indépendance américaine... De plus, méridien de Greenwich oblige, la capitale britannique est au centre des fuseaux horaires. Un trader peut donc commencer sa journée en traitant avec l'Asie, et terminer avec des appels vers les États-Unis. La dérégulation accélérée de la place financière, ces vingt dernières années, et une solide tradition boursière ont fait le reste.

Du coup, c'est à Londres que se joue une bonne partie de la spéculation mondiale. Le sort de l'euro est aux mains de traders qui vivent à l'heure de la livre sterling. C'est également à la City que s'échangent la moitié du pétrole mondial et l'essentiel des métaux mondiaux. Ce n'est probablement pas un hasard que Jim O'Neill, de Goldman Sachs, a inventé l'acronyme BRIC à Londres. Du coup, si New York est un centre financier énorme, mais adossé essentiellement à l'économie américaine, Londres porte sur ses épaules le monde entier.

Bien sûr, la crise a quelque peu ébranlé cette suprématie incontestée. Le régulateur, la FSA, est plus agressif (ce n'était pas difficile). Les bonus ont été taxés à 50 % (juste pour un an), et les banques ont maintenant un impôt supplémentaire à payer. Le directeur général de HSBC, Stuart Gulliver, est désormais basé à Hong Kong (les rumeurs la semaine dernière affirmant qu'il resterait basé à Londres étaient fausses). Et avec l'émergence de la Chine, et la faible régulation financière asiatique, la bataille sera difficile. Mais les investissements russes de ces dernières semaines le rappellent : la City n'a pas dit son dernier mot.

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