Tous coupables... enfin presque

Par Jérôme Marin, correspondant à New York de La Tribune.
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Il aura fallu plus d'un an et demi d'enquête, des centaines d'heures d'auditions, des millions de pages de documents épluchés pour arriver à la conclusion que la "crise financière était évitable". Dans un rapport de 600 pages, publié la semaine dernière, la Commission d'enquête sur la crise financière (FCIC), n'épargne personne. Les administrations Clinton et Bush, la Réserve fédérale, la Securities and Exchange Commission et les autres régulateurs, coupables d'avoir fermé les yeux, voire même encouragé l'émergence et la titrisation des crédits hypothécaires. "Ils ont ignoré les avertissements et ont été incapables de s'interroger, de comprendre et de gérer l'évolution des risques", explique le rapport. Pire, « ils ont choisi de ne pas agir ».

Les banques, leur cupidité et leurs prises de risque excessives, en prennent aussi pour leur grade. Douze des treize plus importants établissements américains étaient au bord de la faillite en septembre 2008, révèle le rapport. Le bon élève, dont l'identité n'a pas été officiellement révélée, était certainement JP Morgan. Les institutions Freddie Mac et Fannie Mae, en charge du refinancement du marché hypothécaire, mais aussi les agences de notation sont également sévèrement étrillées. Comme pour "le Crime de l'Orient-Express", au final, il n'y a que des coupables. Tous ont apporté leur pierre à la construction de ce château de cartes dont l'effondrement à l'automne 2008 a précipité le monde dans "la plus grave crise financière de l'histoire", selon l'aveu même de Ben Bernanke, président de la Fed et grand spécialiste de la Grande Dépression des années 1930. Rien de bien étonnant certes. Mais cette Commission a au moins le mérite d'écrire noir sur blanc ce que tout le monde pensait jusque-là tout bas.

Tout le monde ? Non, il y a toujours quelques irréductibles. Les quatre membres de la FCIC - qui en compte dix - nommés par les républicains par exemple. Ils ont refusé de signer ce document jugé "partial, qui amène à de fausses conclusions" pour livrer leurs propres lectures des événements. Pas question notamment d'égratigner Alan Greenspan, l'ancien président de la Réserve fédérale, le champion de la dérégulation pour leurs homologues démocrates. Et de remettre en cause l'idéologie qui a prévalu outre-Atlantique des années durant. L'abrogation du Glass-Steagall Act en 1999, mettant fin à la séparation entre banque de détail et banque d'affaires, n'a ainsi, selon eux, joué aucun rôle dans la crise. Et tous ces véhicules financiers complexes et opaques ne sont pas en cause, seulement l'utilisation qui en a été faite. Ce rapport n'est en fait là que pour servir les partisans de plus de régulation, estiment-ils, à l'heure où les modalités d'application de la loi Dodd-Frank sur la réforme financière doivent encore être définies.

"Je suis surpris, pour ne pas dire choqué, de voir que cette crise a produit si peu d'effets en termes de compréhension de la situation dans laquelle se trouvait le système financier et des dommages que tout cela a causés", peste dans le "New York Times" l'historien Steve Fraser. "Toutes les conditions semblaient pourtant réunies pour que l'on assiste à des changements fondamentaux." La prochaine fois, peut-être.

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