Quels revenus pour l'agriculture française en 2050 ?

Par Maximilien Rouer et Charles Vaury, BeCitizen (filiale environnement du Groupe Edmond de Rothschild)

 

L'agriculture européenne est de plus en plus exposée aux marchés mondiaux. En parallèle, les impacts locaux de l'agriculture sont de plus en plus questionnés. L'agriculture aurait-elle une mission de service public ? Si oui, comment rémunérer cette mission ? Le rôle de l'agriculture se redéfinit : offrir des aliments mais aussi un cadre touristique, tout en préservant le « confort de vie », et en aidant à réguler la qualité de l'eau, de l'air, du climat et de la santé. Cette feuille de route bouleverse profondément le modèle économique agricole.

De 1962 à nos jours, les subventions n'ont cessé de prendre de l'importance dans le résultat d'une exploitation. À ses débuts, la politique agricole commune (PAC) visait à garantir la sécurité d'approvisionnement des pays européens et à moderniser l'agriculture. Dès les années 1980, cette politique atteint son objectif d'autosuffisance alimentaire dans l'Union européenne, et des déséquilibres apparaissent peu après avec des productions excédentaires (céréales, lait). La PAC a donc été réorientée afin de réduire les surproductions et les impacts négatifs sur l'environnement, en favorisant les aides directes à l'agriculteur, découplées des quantités produites. Cette nouvelle rente a mis l'agriculture sous perfusion. C'est ainsi qu'en 2011 les subventions représentent jusqu'à 50 % de la marge des exploitations agricoles. Ce modèle n'est pas pérenne.

La PAC de demain a pour objectif de favoriser une agriculture plus respectueuse de l'environnement. L'Europe deviendrait un superpolicier pour juger quelles exploitations seraient vertueuses, et lesquelles ne le seraient pas. D'une part, des disparités importantes subsistent selon le type de culture, puis entre grandes cultures et élevage. D'autre part, biocarburants et autres molécules biosourcées apportent eux aussi un bienfait environnemental en aval de la chaîne, dès lors, comment le comptabiliser ?

L'agriculture peut être positive pour l'environnement : les sols et les plantes stockent du carbone, dépolluent l'eau, hébergent la biodiversité nécessaire à la vie. Aujourd'hui, des technologies existent pour améliorer ce bénéfice environnemental, par exemple en réduisant les traitements toxiques, en favorisant la biodiversité, et en améliorant la qualité des sols. Ces services, bons pour la société dans son ensemble, pourraient donner droit à une rémunération. La réduction des produits toxiques dans l'eau réduit d'autant le coût de traitement de cette eau pour la rendre potable. Dès lors, les industriels de l'eau peuvent-ils payer ce service ? Le maintien de jachères fleuries et de haies rend la campagne plus attractive pour le tourisme. En conséquence, la collectivité qui bénéficie de ce tourisme peut-elle payer l'entretien de son paysage ? Des cas de financement de tels services environnementaux existent dans le monde et constituent des modèles inspirants.

Si ces services rendus par l'agriculture étaient valorisés, ils pourraient constituer une base importante de revenus locaux et pérennes, indépendants des marchés mondiaux. Ces revenus stables seraient les bienvenus dans un contexte général de baisse des subventions. La rémunération de ces services devient d'autant plus importante qu'avant 2050 l'Europe agricole devra très probablement se passer de subventions. Dans ce cas, d'où viendront les revenus ?

Osons un scénario de rupture : 50 % des marges agricoles viendront de services environnementaux ; les 50 % restants se partageant entre productions agricoles alimentaires et non alimentaires (biomasse, revenus d'énergies renouvelables ou biomatériaux). Les subventions auront disparu mais le niveau de marge de l'exploitation aura augmenté avec cette diversification. Aux côtés des innovations technologiques permettant de réduire les intrants et d'améliorer la qualité des productions, la restauration de l'environnement deviendra une source de revenus stables.

Cependant, pour y parvenir, reste encore à financer cette transition. En effet, que peuvent les agriculteurs seuls sans des produits bancaires ou d'assurance adaptés à cette évolution ? L'agriculture française deviendra ainsi plus compétitive. Les bénéfices seront nombreux, à commencer par une agriculture qui redeviendra une locomotive économique pour l'Europe, tout en rendant leur dignité aux agriculteurs.

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