Une réforme financière déjà sabordée ?

Par Jérôme Marin, correspondant de "La Tribune" à New York
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C'était un combat perdu d'avance pour la Securities and Exchange Commission (SEC) : elle n'aura pas un dollar de plus ! La Chambre des représentants, à majorité républicaine, a rejeté dimanche les propositions démocrates pour relever le budget du gendarme boursier américain. Après tout, ce budget a encore progressé de 15 % l'an passé, à 1,1 milliard de dollars. Et il a presque triplé sur les dix dernières années. Alors pourquoi donner plus d'argent à une institution qui s'est montrée incapable de détecter la gigantesque fraude de Bernard Madoff ? Pourquoi renforcer ses moyens quand un récent rapport du Government Accountability Office (GAO) - l'organisme d'audit, d'évaluation et d'investigation du Congrès - a mis en lumière des failles et des erreurs multiples dans les comptes ? Dans une période de vaches maigres, tout le monde doit se serrer la ceinture. Y compris la SEC, ont jugé les parlementaires américains.

Noyée dans un ensemble de mesures visant à réduire de 61 milliards de dollars les dépenses de l'État, cette décision - en attendant un éventuel compromis avec les sénateurs démocrates - n'en soulève pas moins une question capitale : quel avenir pour la loi Dodd-Frank sur la régulation financière ? En octroyant de nouvelles responsabilités à la SEC, le texte prévoyait également de porter son budget à 1,3 milliard de dollars. Cette enveloppe supplémentaire devait notamment permettre d'embaucher 800 personnes (plus de 20 % de ses effectifs actuels) et de moderniser les systèmes informatiques. Mary Schapiro, sa présidente nommée par Barack Obama, avait déjà averti qu'un refus du Congrès compliquerait singulièrement sa tâche. Obligé de faire plus sans moyens supplémentaires et dans un univers de plus en plus informatisé, et donc complexe, le gendarme boursier serait alors moins efficient. Pas moins de trois mois lui avaient ainsi été nécessaires pour déchiffrer et comprendre ce qu'il s'était passé lors du « krach éclair » du 6 mai 2010.

« Nous devons nous demander si nous souhaitons que nos employés continuent d'utiliser des technologies vieilles de plusieurs décennies pour traquer des opérations qui s'effectuent à la vitesse de la lumière », expliquait début février Mary Schapiro, rappelant que le fonctionnement de l'institution souffrait déjà des restrictions budgétaires. Des auditions auraient été reportées, faute d'argent pour payer... des billets d'avion à ses inspecteurs. « Les marchés ont besoin d'un régulateur puissant et efficace », rappelait récemment un groupe de 41 avocats d'affaires. Et l'argument budgétaire ne tient pas : la Securities and Exchange Commission est totalement autofinancée grâce aux amendes qu'elle inflige. Mieux, elle a rapporté 300 millions de dollars l'an passé au Trésor américain. Mais pour les républicains, il s'agit avant tout d'un symbole. Et d'un moyen d'entraver la mise en place d'une réforme qu'ils ont contestée, à défaut de pouvoir l'abroger. D'autant que certains établissements financiers ont contribué à leurs campagnes à cette fin.

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