Le "Super cycle" résiste aux chocs

Par Gerard Lyons et Thomas Costerg, économistes chez Standard Chartered Bank.
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La reprise économique n'est pas sans risque, comme l'actualité récente nous le rappelle, mais la trajectoire sous-jacente demeure positive, à savoir une croissance mondiale forte tirée par les pays émergents (Chine et Inde notamment), et qui devrait se poursuivre pour les vingt prochaines années, comme nous l'anticipons dans notre rapport sur "le Super Cycle mondial" (*).

Nous ne contestons pas la gravité de nombreux événements récents, et l'incertitude élevée qui plane toujours sur les perspectives mondiales. Au Japon, troisième puissance économique après les Etats-Unis et la Chine, la tragédie liée au séisme du 11 mars, exacerbée par la catastrophe nucléaire de Fukushima, va avoir des conséquences lourdes, en particulier à cause de la pénurie énergétique et des interruptions des chaînes logistiques. Néanmoins, après coup, c'est-à-dire dès l'année prochaine, le rebond économique devrait être prononcé, étant donné le besoin de reconstruction et d'investissement.

La brusque augmentation des prix du pétrole, avec un baril de brent dépassant les 120 dollars, est également un facteur d'incertitude majeur. Le risque géopolitique élevé au Moyen-Orient et en Afrique du Nord place un plancher solide sous les prix.

La hausse du baril s'est particulièrement ressentie sur l'inflation partout dans le monde, y compris dans la zone euro où celle-ci a dépassé la cible de 2% de la Banque centrale européenne. Mais les conséquences sont d'autant plus fortes dans les pays émergents, où l'augmentation des prix de l'énergie importée s'ajoute à une inflation domestique élevée, rançon du succès d'une croissance rapide. L'inflation devrait être combattue par les banques centrales, avec des augmentations de taux d'intérêt. En Chine, cela s'accompagnera de mesures pour restreindre la liquidité bancaire via de nouvelles hausses des réserves réglementaires. A court terme, ce resserrement devrait ralentir modérément l'activité.

La conjonction de ces événements n'est pas de bon augure pour les flux de capitaux mondiaux, en particulier vers les titres américains : Chine et Japon sont parmi les plus importants pourvoyeurs de capitaux à l'échelle du globe, or le premier cherche à se concentrer davantage sur son économie, et le second rapatrie les capitaux nécessaires à la reconstruction. S'ajoute à cela l'ouverture du robinet de la dépense publique en Arabie Saoudite (les dernières annonces représentent environ 30% du PIB, un montant impensable pour les Européens), faisant craindre que les pays du Golfe, traditionnels acheteurs de dollars, ne réorientent également leurs investissements, pour satisfaire les demandes de populations jeunes et avides d'emploi. Il s'agit plutôt d'une bonne nouvelle pour le rééquilibrage des flux mondiaux, néanmoins cela risque de se répercuter sur le dollar.

Deux faits importants récents, pourtant peu abordés, méritent d'être soulignés. D'abord, le budget indien, qui s'engage avec ambition dans l'investissement en infrastructures et vise à développer le secteur manufacturier, l'objectif étant de représenter 25% du PIB d'ici à dix ans (contre 16% actuellement). Dopant sans aucun doute la croissance de long terme, ce plan accentuera les besoins énergétiques et influencera sûrement l'équation pétrolière mondiale.

Le douzième plan quinquennal chinois dévoilé début mars est sûrement l'événement majeur de cette année. Conscients que la crise internationale a montré les limites de la stratégie économique antérieure (des produits à bas coûts vendus à des Occidentaux endettés), les leaders chinois souhaitent remonter la chaîne de valeur, doper la consommation privée, augmenter les dépenses sociales, et développer l'économie "verte" (y compris, fait nouveau, avec des objectifs concrets de réduction d'intensité énergétique). En conséquence, la croissance devrait ralentir, mais elle sera sans aucun doute de meilleure qualité, et donc plus durable.

Dix pays devraient globalement se distinguer, nous les appelons le "Club des 7%", car ils devraient croître de 7% en moyenne par an pendant les dix prochaines années, c'est-à-dire doubler de taille. Cinq de ces pays sont en Afrique (Ethiopie, Mozambique, Nigeria, Tanzanie, Ouganda), les cinq autres en Asie (Bangladesh, Chine, Inde, Indonésie et Vietnam - ce dernier restant incertain à court terme). Cette croissance sera accompagnée du développement de corridors commerciaux Sud-Sud (la relation Chine-Afrique en étant une facette), dominés par l'énergie et les matières premières, mais également de plus en plus par les flux de personnes, les investissements directs, les transferts d'argent et les biens manufacturés.

En conclusion, le basculement progressif des rapports de force se poursuit en trame de fond de l'économie mondiale. Les événements récents rappellent que le cycle économique, avec ses hauts et ses bas, reste d'actualité, mais le "Super Cycle" devrait résister aux chocs.

(*) "The Super-Cycle Report" (www.standardchartered.com/id/_documents/press-releases/en/The Super-cycle Report).

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