Concert de printemps à Deauville : harmonie ou dissonance ?

A l'occasion de la réunion du G8, à Deauville les 26 et 27 mai, La Tribune publie une série de cinq articles sur les politiques économiques à mener, afin de favoriser la sortie de crise. Le premier point de vue analyse la situation des grandes économies : si la reprise est là, difficultés et divergences n'ont pas disparu.
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Il y a deux ans, au printemps 2009, l'orchestre international jouait à l'unisson la symphonie de la relance. Un an plus tard, au printemps 2010, le même orchestre faisait entendre des dissonances : Barack Obama plaidait pour la poursuite de la relance et Angela Merkel pour la consolidation budgétaire. Leur divergence allait dominer le sommet du G20 de Toronto, en juin, et se poursuivre à l'automne.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? La bonne nouvelle, pour commencer, est que la reprise s'est partout confirmée, sauf au Japon (qui subit les effets du tremblement de terre) et dans les pays européens en crise. Le débat sur la relance est donc derrière nous. Difficultés et sources de divergences n'ont pas pour autant disparu. Premièrement, la croissance ne suffit pas à effacer les effets de la récession. Les taux de croissance ne sont pas très différents des tendances d'avant-crise, et le choc sur le niveau de la production ne se résorbe que très partiellement. En Europe, les gouvernements s'y résignent peu ou prou, et ils ont révisé à la baisse leurs prévisions de recettes fiscales. Aux États-Unis, le volontarisme reste de mise. Administration et Réserve fédérale considèrent que le PIB potentiel n'a pas baissé significativement et qu'il faut faire en sorte que l'activité rejoigne ce potentiel. Entre les deux rives de l'Atlantique, le contraste est flagrant.

Deuxièmement, entreprises américaines et européennes ont réagi de manière opposée à la récession. Les premières ont coupé dans leurs effectifs et mis l'accent sur les gains d'efficacité. La productivité horaire a ainsi progressé de plus de 7 % entre 2008 et 2010, et le nombre d'heures de travail a baissé de plus de 7 % également. Au sein de l'Union européenne, en revanche, les entreprises ont généralement conservé leurs effectifs (elles y ont d'ailleurs été encouragées) et, en conséquence, la productivité du travail a stagné. Au total, entre 2007 et 2010 l'emploi a baissé de 6 % aux États-Unis, de 2,5 % au Japon et seulement de 1,5 % dans l'Union européenne. L'urgence politique et sociale d'une reprise de l'emploi est donc beaucoup plus forte outre-Atlantique (où l'assurance chômage est par ailleurs minimaliste). Cela renforce la volonté de croissance américaine, en comparaison d'une Europe qui en a largement fait son deuil.

Troisièmement, le monde avancé a eu la mauvaise surprise de voir revenir l'inflation bien plus tôt qu'il ne l'attendait. Si le Japon flirte toujours avec la déflation, la hausse des prix avoisine 3 % aux États-Unis et dans la zone euro, et elle dépasse 4 % au Royaume-Uni. Pour l'essentiel, il s'agit d'une inflation importée, provoquée par les effets de la forte croissance des pays émergents sur la demande de produits de base. Cette situation place les banques centrales des pays avancés devant un dilemme : peuvent-elles vraiment considérer que cette inflation globale est un phénomène exogène qu'il ne leur appartient pas de combattre ? Ce serait se comporter comme de petites économies sans prise sur leur environnement. Mais à l'inverse, peuvent-elles prendre à leur charge la restriction monétaire, alors que la pression sur la demande vient d'ailleurs ? Les réponses ont toutes chances de différer en raison d'une tolérance traditionnellement inégale à l'inflation.

Quatrièmement, les finances publiques sont partout gravement détériorées. L'Allemagne fait exception avec un déficit 2010 déjà tout proche des 3 % du PIB, mais les autres pays - États-Unis, Royaume-Uni et Japon en tête - vont devoir opérer des ajustements d'une ampleur sans précédent. Tandis qu'aux États-Unis, républicains et démocrates jouent à se faire peur, seul David Cameron a, jusqu'ici, engagé un programme résolu de résorption du déficit, dont les résultats vont certainement inspirer ses pairs. Les premiers chiffres ne sont guère encourageants : la croissance est à l'arrêt et, en raison de l'inflation, la Banque d'Angleterre n'y peut mais. Ici encore, la divergence transatlantique devrait continuer à s'accentuer, au moins jusqu'à la prochaine échéance présidentielle américaine, tandis qu'au Japon, l'agenda immédiat est dominé par l'urgence de la reconstruction. Économie et politique divisent donc les pays avancés. Pour part, leurs divergences tiennent à l'histoire et aux doctrines de politique économique. Mais pour part, aussi, aux effets asymétriques de la récession. La conjonction de ces deux dimensions laisse attendre que les différends euro-américains marquent durablement les débats sur les politiques économiques de l'après-crise.

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