Politique monétaire : la voie étroite des banques centrales

À l'occasion de la réunion du G8, à Deauville les 26 et 27 mai, « La Tribune » publie une série de cinq articles sur les politiques à mener, afin de favoriser la sortie de crise. Aujourd'hui, comment les banques centrales doivent éviter à la fois l'écueil d'une rechute des économies et celui d'un retour de l'inflation.
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Quelle est la politique monétaire adaptée au contexte actuel de sortie de crise ? Comment doit-elle accompagner la reprise naissante ? Cette question est évidemment essentielle, tant la politique monétaire joue un rôle clé, aujourd'hui, dans la régulation de la conjoncture. Mais les banques centrales, elles-mêmes, chargées de concevoir cette politique, sont confrontées à de redoutables interrogations.

 

Jusqu'à la crise récente, leurs décisions étaient basées, simplement, sur un indicateur : celui de la hausse des prix. Il s'agissait de cibler une inflation modérée (2 % à moyen terme, dans la zone euro). Les banquiers centraux savaient affiner cet indice, prenant en compte, souvent, l'inflation sous-jacente (hors énergie et produits alimentaires). Mais, grosso modo, ils ajustaient leurs taux d'intérêt en fonction de l'inflation, mesurée par les prix à la consommation. Hausse des taux d'intérêt en cas de dérapage des prix, baisse au contraire, en cas de ralentissement, concomitant avec la croissance. Ce quasi-pilotage automatique n'a plus cours. Déjà, la BCE prend en compte la croissance pour ajuster sa politique. Il s'agit de voir si la croissance de l'économie dépasse ou non la croissance potentielle, celle qui correspond aux données fondamentales de l'économie, sans risque de surchauffe. Si la hausse du PIB dépasse le potentiel de l'économie, le risque est grand de voir les salaires partir à la hausse, entraînant un surcroît d'inflation, qui lui-même... Or, cette croissance potentielle fait débat dans la zone euro. Doit-on considérer que la chute du PIB enregistrée en 2009 a affecté la capacité de production et de croissance, ou seulement la demande ? Les économistes s'interrogent.

 

Surtout, le critère de la hausse des prix ne suffit plus à définir une politique monétaire. Le risque d'instabilité financière ne peut plus être négligé. Or le taux d'intérêt a un impact déterminant sur les prix d'actifs, par exemple dans l'immobilier. Comment éviter que des bulles ne se forment ? Les banquiers centraux continuent à tâtonner, ne serait-ce que parce qu'il est difficile de repérer à temps la formation des bulles spéculatives. Ainsi, la conception des politiques monétaires est sans doute appelée à évoluer, mais nul ne sait encore selon quelles modalités pratiques. Dans l'immédiat, les banques centrales vont se montrer très prudentes dans leur stratégie de hausse des taux d'intérêt, accompagnant la reprise. Un retour lent vers des taux d'intérêt proches de la croissance potentielle serait le plus approprié. Mais trop de lenteur risquerait de paver la route de la prochaine crise financière. Entre précipitation et inertie, la voie est étroite. Une variable clé est l'évolution de l'emploi, déterminante pour la hausse des prix à venir : seule une augmentation significative de l'emploi peut entraîner un redémarrage de l'inflation, via la boucle prix-salaires. On en est loin, aujourd'hui, en Europe, les chefs d'entreprise privilégiant l'amélioration de la productivité.

Le système financier mondial dépend aussi, désormais, des évolutions en cours dans les pays émergents. Ils sont également confrontés à de véritables défis dans la gestion de leur politique monétaire. Face à une véritable dérive inflationniste constatée dans de nombreux pays, la réponse des autorités a été, logiquement, une hausse des taux d'intérêt. Mais celle-ci provoque naturellement un afflux de capitaux, attirés par des rémunérations bien supérieures à ce qu'offrent les économies avancées. D'où l'appréciation des monnaies des pays concernés, ce dont ils veulent se protéger, misant sur une croissance continue de leurs exportations. Voilà pourquoi des pays comme le Brésil ont entrepris de contrôler leurs flux de capitaux, alors même qu'il serait logique qu'ils laissent leur monnaie s'apprécier. Cela contribuerait à calmer la machine économique...

 

S'agissant des évolutions des changes, les critiques habituelles souvent entendues sur l'absence de politique de change ne me paraissent pas fondées. En réalité, la politique monétaire joue ce rôle : en phase de basses eaux conjoncturelles, une baisse des taux d'intérêt contribue à faire refluer les capitaux et donc à diminuer le cours de la monnaie, ce qui soutient les exportations. Et réciproquement, quand la croissance redevient forte. Le seul cas posant problème, c'est celui où une reprise de l'inflation justifierait une hausse des taux d'intérêt dans un contexte d'euro déjà fort. Mais ce cas n'est pas si fréquent et il est souvent lié à des hausses de prix de matières premières qui n'appellent pas nécessairement de réponse monétaire. Pour améliorer la politique de change, au niveau international, la meilleure idée serait d'entreprendre, lorsque c'est nécessaire, des interventions concertées au-delà des banques centrales qui en sont coutumières (BCE, Fed, Banque du Japon). Pourquoi l'ensemble des banques centrales du G20 ne seraient-elles pas associées à ces actions ?

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