Des réformes massives pour réduire les déficits budgétaires

À l'occasion de la réunion du G8, à Deauville les 26 et 27 mai, La Tribune publie cette semaine une série de cinq articles sur les politiques à mener afin de favoriser la sortie de crise. Troisième volet, les politiques budgétaires. Jacques Delpla appelle à une rationalisation massive de l'intervention publique.
Copyright Reuters

Avec ou sans coordination, les pays du G8, au vu de leur niveau de dette publique, vont devoir réduire massivement leurs déficits budgétaires de 6 à 8 points de PIB d'ici à dix ans. Mais surtout, ils vont devoir accompagner cela de réformes profondes de leurs économies pour rendre leurs dépenses publiques plus efficaces et pour augmenter la productivité de certains secteurs aujourd'hui sous perfusion de subventions publiques. Les réformes structurelles refusées jusqu'ici vont être imposées par la contrainte budgétaire.

Deux écueils sont à éviter. Le premier est celui du keynésianisme naïf : "Ne jamais réduire trop les déficits de peur de réduire la croissance." Les risques de hausses de taux d'intérêt sont majeurs pour les pays de la zone euro qui s'y adonneraient car ils perdraient leur crédibilité financière (cf. Grèce ou même Espagne). Le second est celui du conservatisme aveugle : revenons très vite au Graal de l'équilibre budgétaire. Ce serait le meilleur moyen d'étouffer la reprise. La bonne méthode est : l'ensemble des pays du G8 doivent s'engager de manière crédible à réduire progressivement, mais fermement, leurs déficits d'environ 1 point de PIB par an (ce qui est moins que les plans européens actuels) jusqu'à l'équilibre budgétaire et à se tenir à cet équilibre tant que la dette publique est supérieure à 60 % du PIB - sauf récession. Le coeur de cette stratégie est d'être crédible, d'où l'idée de règle budgétaire en Europe. Le PS aurait tout intérêt (de son point de vue) à voter la réforme constitutionnelle en cours sur une règle budgétaire en France. S'il gagne en 2012, une telle règle l'aidera fortement à garder des taux d'intérêt faibles en France et à réduire les déficits de manière modérée et graduelle - au lieu de passer les dépenses à la hache comme Zapatero en Espagne. Si le PS fait échouer cette réforme constitutionnelle, il risque de se retrouver en 2012 avec des primes de risque sur la dette française significativement plus élevées, les investisseurs sachant que c'est lui qui a fait échouer la règle budgétaire (à laquelle la France s'est engagée au niveau européen).

 

Ces politiques budgétaires vont aussi avoir des conséquences que peu de gens entrevoient jusqu'ici. Les gouvernements vont d'abord devoir augmenter l'efficacité de l'État. Contrairement à certaines lubies des conservateurs, la taille des dépenses publiques ne baissera pas dans les pays riches, notamment à cause du vieillissement des populations (retraites) et du progrès médical (de plus en plus coûteux). En période de disette budgétaire, le seul moyen de garder les mêmes quantité et qualité de services publics est de les rationaliser massivement. Par ailleurs, les gouvernements vont devoir réfléchir à supprimer des pans entiers de l'intervention publique peu utile. Je pense notamment qu'en France il faudra supprimer des dizaines de milliards d'euros aux programmes qui ne marchent pas : niches et subventions massives en faveur de l'immobilier, idem pour la formation professionnelle, pour certaines prestations (pourquoi garder la PPE alors que nous avons le RSA ?) ou certains grands travaux fastueux. D'autres programmes de dépenses publiques devront être beaucoup plus efficaces avec le même niveau de ressources publiques. Je pense au marché du travail : nous dépensons autant que les Danois en politiques publiques de l'emploi, mais avec des résultats bien pires (en France le taux de chômage est à 9,5 %, au Danemark à 4,5 %). Ici, une stratégie commune du G8 (et de l'Europe) pour réformer leurs marchés du travail à la danoise serait optimale pour tout le monde.

J'ai longtemps écrit en faveur de "payer pour réformer". Jusqu'ici, sauf exceptions (universités), la France a beaucoup payé sans beaucoup réformer. Demain, ce devra être le contraire, des réformes massives sans payer, voire en augmentant les impôts. Les réformes structurelles, si nécessaires au retour de la croissance, viendront probablement de la très forte contrainte budgétaire devant nous. Jusqu'ici la dette a servi à acheter la non-réforme, à subventionner des secteurs qui ne marchent pas (logement, travail) et que l'on n'avait pas le courage politique de réformer. L'impérieuse nécessité de réduire les déficits va forcer, "volens nolens", à libéraliser et à réformer des pans entiers de notre économie, sinon nous deviendrons comme l'Italie : une dette publique colossale, une croissance zéro, une absence d'innovation et une société bloquée.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.