Universités : l'autonomie, de gauche à droite

A l'heure des bilans, la majorité met au crédit de Nicolas Sarkozy la réussite de la loi LRU de 2007 sur l'autonomie des universités. Avec habileté, puisque la gauche nourrissait ce projet depuis longtemps. Une idée vieille comme l'université. Reste à savoir comment la faire évoluer après 2012.
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C'était le 18 mai, à l'Assemblée nationale. "Hier, j'ai eu un choc, parce que j'ai lu le programme du Parti socialiste pour l'université en 2012, qui vise à conforter l'autonomie des universités", ironisait Valérie Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, estimant avec un brin de provocation que "le programme du Parti socialiste [...], c'est un bel hommage au bilan de Nicolas Sarkozy".

De fait, le PS n'a pas repris dans son texte les revendications de la frange la plus radicale de la gauche, qui milite pour une abrogation pure et simple de l'autonomie. D'une part, il vise le plus large consensus possible ; d'autre part, l'autonomie est à un point d'avancement tel qu'il paraît difficile de revenir en arrière. "Il est évident que tout n'est pas amendable", concède le secrétaire national du PS à l'Enseignement supérieur et à la Recherche, Bertrand Monthubert, citant à titre d'exemple la gestion des ressources humaines et la dévolution du patrimoine. Le texte du PS, fort critique à l'égard de l'autonomie telle que conçue par la LRU (libertés et responsabilité des universités) prévoit paradoxalement une réforme pour "favoriser l'autonomie des établissements" avec plus de "collégialité universitaire", de "démocratie interne" et "l'attribution de moyens matériels et humains accrus pour faire vivre cette autonomie dans de bonnes conditions". Mais l'opposition n'y voit pas de contradiction.

Elle l'assume d'autant mieux qu'elle défend l'autonomie depuis longtemps. "Les propos de Valérie Pécresse disant que le PS avait rallié son point de vue sur l'autonomie font rire. C'est une idée de gauche", s'amuse Jean-Louis Salzmann, le président de l'université Paris XIII-Nord. "Les changements intervenus depuis 2007 sont majoritairement positifs, analyse Patrick Fridenson, directeur d'études à l'EHESS. Pourquoi ? Parce que la droite a avalé des pans entiers des raisonnements de la gauche." L'autonomie des universités, une idée qui s'arrache ! Mais qui a bien trouvé ses germes sur les barricades de mai 1968, prélude au regroupement des facultés au sein de nouvelles universités. "Le mouvement fondateur de l'autonomie universitaire est bien mai 1968, n'en déplaise à la droite", rappelle sur son blog Gilbert Béréziat, ancien président de l'université Paris VI-Pierre et Marie Curie. Bref, l'autonomie était dans les tiroirs de la gauche, prête à être dégainée en cas de victoire, confie cet ex-directeur de cabinet d'un ancien ministre socialiste. Michel Leroy enfonce le clou dans sa récente enquête sur les universités (*) : "La réforme imaginée, en 2007, débouche sur l'exact inverse de la rupture (promise pendant la campagne par Nicolas Sarkozy), en assurant la promotion d'un concept - l'autonomie des établissements, qu'elle soit pédagogique, scientifique, administrative ou financière - précisément introduit dans l'après-Mai 68 par la loi Faure et repris ensuite par la loi Savary de 1984." Dans les années 2000, autonomie et dimension internationale ont émaillé les discussions de la gauche. Quant à la loi de programmation pour la recherche de 2006, elle découle des fameux états généraux de la recherche de 2004. Et comble, si d'aucuns reprochent à la LRU de vouloir privatiser l'université, d'autres condamnent un interventionnisme accru de l'Etat.

Surtout, le sujet dépasse largement les clivages droite-gauche. La sociologue Christine Musselin, directrice du Centre de sociologie des organisations (CSO, Sciences po et CNRS) et spécialiste de l'enseignement supérieur, rappelle que l'idée était déjà dans l'air à la fin du XIXe siècle, dans les débats qui ont abouti à la renaissance administrative des universités en 1896. Selon elle, la LRU s'inscrit dans la continuité du processus engagé à la fin des années 1980 par le ministre de l'Éducation Lionel Jospin et son conseiller spécial Claude Allègre pour amener les universités à développer des projets d'établissement. Que la droite se soit emparée de l'autonomie est somme toute logique : les idées étaient mûres et le constat partagé. "Depuis la fin des années 1990, l'université était plongée dans un processus de mondialisation mais elle était ligotée par son statut. Elle devait donc bouger et être autonome. Cela a commencé avec le processus européen de Bologne et l'apparition des classements", commente-t-on à la Cour des comptes. Les classements mondiaux, à commencer par celui de Shanghai, ont été en l'occurrence un véritable électrochoc pour le gouvernement. Mais "personne n'a intérêt à tirer la couverture à lui", reprend-on rue Cambon. La question est aujourd'hui de savoir quels sont les enjeux et ce que l'on fait de la LRU. Progresser dans le monde et lutter contre l'échec scolaire de la primaire à l'université, c'est ça l'enjeu.

 

(*) "Universités : enquête sur le grand chambardement ", Michel Leroy, éditions Autrement.

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