Grand Paris : et maintenant quelle place pour le transport des marchandises ?

Par Philippe Mangeard, président du Cercle pour l'optimodalité en Europe.
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Plus de 20.000 personnes ont suivi le débat public du Grand Paris et les discussions sur l'avenir de l'agglomération parisienne ont passionné. Jamais débat public n'avait d'ailleurs connu un tel succès de participation. À l'heure du bilan de cette consultation, qui a mobilisé tous les acteurs du transport et au-delà, il convient d'être à la hauteur des attentes exprimées et notamment ne pas oublier l'enjeu capital du transport des marchandises. Pour que toute la Région Ile-de-France puisse chaque jour continuer à nourrir, équiper, approvisionner et servir ses 11 millions d'habitants et ses 700.000 entreprises ; pour ne pas reproduire les errements anciens qui ont conduit, par exemple sous la pression foncière, à repousser les sites logistiques loin de la zone dense, qui est pourtant leur zone de chalandise.

Quelques chiffres pour fixer le débat et alerter les décideurs : sur la dernière décennie, du fait de la pression foncière principalement, les plates-formes de messagerie, celles du "dernier kilomètre", se sont éloignées d'environ 25 km de Paris : ce sont ainsi plus de 1.000 camions qui parcourent 50 km et émettent au moins 120 tonnes de CO2 supplémentaires chaque jour. On pourrait rêver meilleur bilan !

Toutefois, contrairement à une idée reçue, l'optimisme est permis dans ce domaine : les moyens techniques existent pour livrer le Grand Paris de manière plus performante. Les professionnels ont ainsi voulu, dès 2007, la création du Cercle pour l'optimodalité en Europe (COE), dont l'objectif unique est de définir et mettre en oeuvre de nouvelles chaînes de transport aux performances techniques, économiques et environnementales optimisées (www.optimodality.eu). Sur la base de ses multiples travaux associant des représentants de tous les modes de transport, le COE s'est engagé sans délai et a contribué au débat sur le Grand Paris en publiant un cahier d'acteur démontrant la nécessité de prendre en compte le fret au coeur du système de transport de la Région capitale.

Le programme est vaste et concret : nouveaux camions à faibles émissions de CO2 et utilitaires électriques destinés au "dernier kilomètre" ; barges innovantes pour le transport de voitures neuves et produits recyclables ; trams fret ; nouvelles plates-formes multimodales ; trains de fret ferroviaire à grande vitesse en visant les besoins des expressistes, par exemple pour remplacer l'aérien continental... bref, toute une série de propositions et d'initiatives favorables à la fois à la croissance, à l'emploi, aux économies d'énergie et à la pureté de l'air.

Retenons que la circulation des marchandises est indispensable à la vie de la métropole avec l'approvisionnement des commerces de toute nature et des établissements publics, les transports de fonds, les livraisons à domicile, les services postaux... Elle contribue aussi à l'envergure européenne et internationale de la Région capitale, moteur incontestable de l'économie nationale et favorise sa place privilégiée et géostratégique d'excellence au coeur de l'Europe.

Nous demandons à nos responsables publics d'être attentifs à nos propositions : les projets du Grand Paris doivent être préparés dès à présent en intégrant la dimension du transport de marchandises. Il est encore temps d'imaginer une nouvelle gouvernance qui éviterait de mettre la logistique et le transport des marchandises en périphérie des préoccupations d'avenir.

À l'heure de la maîtrise des dépenses publiques, se pose bien sûr la question du coût de cette cohérence globale. Même si ces nouveaux projets routiers, ferroviaires et fluviaux ne nécessitent que quelques dizaines de millions d'euros pour être lancés, faut-il encore les voter !

Le COE continuera à plaider pour que de nouveaux mécanismes de financements innovants et incitatifs en lien avec les économies de GES et d'énergie soient mis en oeuvre. Ils sont prévus dans le Grenelle de l'environnement et ne doivent pas rester "lettres mortes". Un nouveau défi s'impose à nous : celui de l'énergie, et il est impératif que toutes ces dépenses nouvelles puissent être gagées sur les futures économies d'énergie.

Nous y sommes prêts : prêts à accompagner les élus dans le travail législatif et réglementaire, prêts à faciliter le travail des collectivités qui prennent conscience de la nécessité d'aménager les villes pour une "mobilité douce", prêts à démontrer la faisabilité de nos projets, prêts - si besoin en était encore - à démontrer le gain qu'ils représentent pour la France - amélioration de la qualité de vie, création d'emplois industriels, exportations de nouvelles technologies, image d'un pays qui affronte l'avenir et incarne la modernité.

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