Dépense publique : le poids des symboles locaux

À population équivalente, la dépense publique en France dépasse largement le niveau allemand. L'absence de rationalisation, au niveau local, compte pour beaucoup. Exemple : on compte 38.000 écoles élémentaires en France, contre 16.400 en Allemagne.
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Les Allemands gèrent-ils beaucoup mieux que les Français leurs services publics ? À l'heure du débat sur la convergence franco-allemande, le think tank Thomas More répond par l'affirmative, dans une étude publiée récemment (*). Pour une étendue et une qualité de services publics comparables, nos voisins d'outre-Rhin paieraient moins. Beaucoup moins, puisque l'écart de dépenses atteint 8,6 % du PIB, soit 163 milliards d'euros (en 2007, l'étude choisissant de scruter les comptes d'avant-crise). À l'heure de la nécessité, impérieuse, de réduire les déficits, il suffirait donc, pour diminuer les dépenses, de copier les Allemands, afin de rétablir la situation financière de l'État et de ses satellites, sans casser le modèle social auquel sont attachés les Français.

 

Au vu d'une telle étude, le dossier semble à ce point simplissime qu'il y a lieu de s'interroger sur l'inertie de l'exécutif, pourtant soucieux de réaliser de substantielles économies. Que n'a-t-il pas déjà mis en oeuvre ces préconisations ! C'est que, comme le souligne le député UMP Olivier Carré, coprésident à l'Assemblée nationale, de la Mission d'évaluation et de contrôle, pourtant chaud partisan d'une réduction de la dépense publique, « la France n'est pas l'Allemagne ». Exemple : selon les auteurs du rapport, il suffirait de s'inspirer de ce qu'ont fait nos voisins en matière de logement social, en vendant au privé une grande partie de ce parc immobilier. Il serait possible, ainsi, de récolter plusieurs centaines de milliards d'euros, affirme-t-on à l'institut Thomas More. De quoi diminuer sensiblement la dette de l'État. Sauf que, même si la solution était viable socialement, l'État récupérerait du même coup la dette des organismes HLM... Bref, une fausse bonne idée.

Même si elle avance parfois des chiffres fragiles, aux dires mêmes de ses auteurs, l'étude a le mérite de mettre en lumière une réalité française tellement évidente, mais aussi taboue, au point qu'elle est occultée de tous les débats sur la réforme de l'État, et ne fait jamais l'objet d'études chiffrées : c'est le coût, pour l'évoquer directement, des 36.000 communes, qui, dès qu'elles dépassent quelques centaines d'habitants, s'estiment en droit de conserver, aux côtés de la mairie, un bureau de poste et une école. Ainsi, on compte dans l'Hexagone quelque 38.000 écoles élémentaires, contre seulement 16.400 en Allemagne, relève l'institut Thomas More. Du coup, en France, le nombre d'élèves par établissement est limité, en moyenne, à 108 - en raison du nombre élevé de petites structures -, contre près du double en Allemagne (202). Bien sûr, la densité de population, deux fois plus élevée en Allemagne, explique pour une part cette situation. Mais pas complètement. Et il résulte de ce choix de la multiplicité de petites écoles, outre une qualité pédagogique parfois déficiente, un surcoût administratif évident. Thomas More l'évalue à plus de 3 milliards d'euros.

 

Une situation héritée de la fin du XIXe siècle, quand il s'agissait de faire des campagnes la base d'une République encore mal établie. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts de nos villages, mais le symbole est resté : le bureau de poste et l'école, « cela fait partie de nos valeurs républicaines, cela relève du sacré », souligne le sociologue Jean Viard.

Les petites villes, elles, ont un autre combat : celui du maintien de leur hôpital, pourvoyeur d'emplois. Certes, la situation évolue, des regroupements, des transformations d'hôpitaux établissements gériatriques ont lieu. Il n'empêche : on compte en France 36 % d'hôpitaux de plus qu'en Allemagne, pour 18 millions d'habitants en moins. Et nul ne défend l'idée que nos voisins sont beaucoup plus mal pris en charge. Là aussi, la configuration du territoire hexagonal, beaucoup moins dense, explique une partie de la différence. Une partie seulement.

Il y a aussi les combats locaux, pour maintenir des structures souvent mal adaptées. Avec, pour conséquence, le fait que « les Allemands dépensent 285 euros par habitant et par an de moins que les Français dans le secteur hospitalier - soit une piste d'économies de 18 milliards d'euros l'an » selon Thomas More. Sans parler des piscines et autres médiathèques souvent redondantes d'une petite ville à l'autre. Les choses changent, avec les regroupements de communes. Mais faire bouger des symboles demande beaucoup de temps.

 

(*) www.institut-thomas-more.org/

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